Alors que les Calanques subissent la pression d’une fréquentation qui épuise son écosystème unique, il semble urgent de se poser la question suivante : l’architecture a-t-elle un rôle à jouer dans la préservation de nos espaces naturels ?

Louis Gibault Lancel, jeune architecte marseillais, lauréat du prix des jeunes architectes de l’Académie d’architecture, aujourd’hui chargé de projet au sein du cabinet Rudy Ricciotti Architectes, a imaginé un projet de caillebotis métalliques réversible pour préserver ces sentiers de l’érosion.

Issu d’une initiative personnelle, ce projet souhaite interpeller en proposant une alternative « basse technologie » face à la dégradation silencieuse de ce site exceptionnel.

Le projet repose sur deux principes essentiels :

  • Superposer une strate artificielle et démontable à des sections précises de sentiers pour protéger les sols fragiles de l’érosion.
  • Apporter de l’ombre pour favoriser la croissance de la faune et la flore locale.

Ces installations sont éphémères et ne cherchent pas à dominer le paysage. Les structures dessinées l’épousent, redéfinissent le rapport entre la présence de l’Homme et ce territoire qui réclame d’urgence un sursis.

Des structures démontables et surélevées pour limiter l’impact au sol

La préservation des sentiers des Calanques, vulnérables à l’érosion, est cruciale pour maintenir la richesse des écosystèmes et offrir une expérience respectueuse de la nature aux visiteurs. Dans les zones sensibles, les chemins les plus fréquentés souffrent d’une dégradation marquée due au passage constant des randonneurs, aux intempéries et à l’action érosive du vent. L’érosion modifie la structure des sols, fragilise les paysages et menace directement la biodiversité en créant des zones de sol nu, vulnérables à la prolifération d’espèces invasives.

Le projet propose d’installer des caillebotis métalliques surélevés de 140 par 140cm sur les sentiers en pente. Ces structures innovantes créent une barrière entre les piétinements humains et les sols naturels, réduisant ainsi l’impact direct sur la roche. Le dispositif permet également à la végétation de repousser sous les chemins, favorisant la régénération naturelle et réduisant les risques de ravinement, phénomène particulièrement destructeur des sols calcaires des Calanques. Sur les sections de sentiers plats, une plateforme ajourée de grande dimension est envisagée pour mieux répartir la pression exercée par les visiteurs sur ces zones fragiles.

Inspirée de l’architecture utopique du Superstudio et des parcours labyrinthiques de Piranèse, le projet respecte l’esthétique naturelle des lieux tout en renforçant leur résilience écologique.

Ce dispositif contribue à protéger l’environnement, tout en améliorant l’expérience des visiteurs : l’accès est plus sûr et plus respectueux des sols.

Des zones ombragées et confortables pour le public

Le projet propose la création de nouvelles zones d’ombre, en utilisant de grands drapés (ignifugés – classe M0) suspendus à des structures métalliques légères. Cette initiative vise à créer des micro-environnements favorables à la biodiversité locale en introduisant des conditions plus fraîches et humides, propices au développement de la faune et de la flore endémiques.

En abaissant la température ambiante et en augmentant l’humidité, ces espaces permettent de réduire le stress thermique sur les plantes locales, favorisant leur croissance et la survie des espèces sensibles aux fortes chaleurs estivales. Les ombrages jouent un rôle clé en contribuant à la stabilisation des sols. En limitant l’exposition directe au soleil, ils réduisent l’assèchement rapide du sol, ce qui aide à maintenir une humidité suffisante pour réduire le risque d’érosion.

Le projet a aussi pour but d’améliorer l’expérience des visiteurs, en créant des espaces plus confortables et agréables lors des mois chauds. Inspirée par les traditions méditerranéennes, où les linges flottent aux fenêtres des maisons de Marseille, Gênes ou Athènes, cette installation combine fonctionnalité et esthétique, tout en rendant hommage à la culture locale.

Bien que théorique et purement fictive, cette démarche vise à générer une réflexion collective, en se confrontant à la frontière entre préservation et innovation architecturale, pour rappeler qu’il est possible – si ce n’est nécessaire – de réinventer nos interactions avec la nature.