SAVE THE DATE : Vente aux enchères des Architectes de l’Urgence
La prochaine Vente aux enchères caritative de la Fondation des Architectes de l’Urgence aura lieu le 3 décembre prochain à 19h, à la Maison de…
Le Petit Palais nous propose une exposition autour de la figure d’Ambroise Vollard, un éditeur d’estampes et de livres illustrés de la fin du XIXème siècle et du début du XXème. Il a non seulement contribué au renouveau de l’art de l’estampe mais il a également favorisé la reconnaissance d’artistes tels que Cézanne, Toulouse-Lautrec ou Gauguin. Son successeur Henri Petiet, qui a racheté son fonds à sa mort, est également présenté dans l’exposition. L’hommage rendu ainsi à cette personnalité méconnue est d’autant plus justifiée qu’Ambroise Vollard et ses héritiers ont fait des dons et des legs qui ont enrichis les collections du Petit Palais.
Le parcours de l’exposition suit une logique chronologique des débuts de Vollard à la reprise de son activité par Petiet, mais est organisé de façon thématique.
La première partie nous présente Ambroise Vollard. Fils de notaire, il arrive à Paris en 1887 depuis la Réunion pour faire ses études de droit. Il délaisse petit à petit l’université pour se lancer dans le commerce d’art, en travaillant à la galerie L’Union artistique. Il s’installe ensuite à son compte et déménage sa galerie au gré des succès et des bonnes affaires pour se rapprocher des marchands de tableaux les plus en vue.
Vollard achète des toiles, voire des fonds entiers d’atelier à des artistes qui débutent et qui ne sont pas encore connus. Il leur assure des revenus et fait un pari sur leur fortune à venir. Il a ainsi assuré la sécurité matérielle du jeune Picasso ou de Derain et a pu revendre ensuite leurs œuvres avec un bénéfice non négligeable. Vollard organise ainsi entre autres, une exposition d’œuvres de Cézanne en 1895, époque où le marché de l’art ne s’intéressait pas encore à lui. Il lui achète plusieurs toiles qu’il écoulera au compte goutte quand la cote de l’artiste s’envolera après sa mort.
Pourtant déjà le jeune Vollard a une sensibilité qui le pousse vers les arts graphiques et l’estampe. Il achète et revend des tirages et surtout il expose et prête ses œuvres dans l’Europe entière et même jusqu’aux Etats-Unis. Loin des prises de position conservatrices du Salon officiel, il contribue à diffuser un art autre que l’art académique.
La deuxième partie de l’exposition s’intéresse tout particulièrement à l’activité de Vollard, en tant qu’éditeur d’estampes. En 1894, le marchand commande sa première édition d’estampes en faisant rééditer la suite Volpini de Gauguin qui illustrent des vues de Bretagne. De 1896 à 1900, Vollard va privilégier l’édition d’estampes originales. Les bénéfices de ses ventes de tableaux sont réinvestis dans son activité d’édition.
Il publie deux albums qui sont de véritables condensés de la création de leur époque: Les peintres graveurs en 1896, puis L’album d’estampes originales de la galerie Vollard en 1897. Il ne sélectionne pas de graveurs de profession mais encourage ses amis peintres à proposer des oeuvres pour l’estampe. En fin commerçant, il est convaincu que la réputation d’artistes connus ou dont le nom commence à s’imposer sur la place publique, donnera envie aux amateurs de s’intéresser à l’art de l’estampe et d’acquérir les tirages limités et signés qu’il édite. Vollard veut porter l’estampe au rang d’oeuvre d’art et la distinguer de la reproduction en série mécanique. Il diversifie ainsi non seulement les artistes, mais également les techniques pour offrir un panorama varié d’oeuvres, de styles et de rendus. Les expositions qui accompagnent le lancement des ouvrages sont des succès. Cependant les deux albums sont des échecs commerciaux et le troisième volume longtemps envisagé ne verra jamais le jour.
Ces recueils contribuent pourtant à assoir sa réputation dans le monde de l’estampe. La défense de cet art et la mise en valeur de la lithographie en couleur, pratique dédaignée car assimilé à la publicité, ne sont pas passés inaperçus. Les Nabis notamment sont férus de cette technique et sont sensibles à la revalorisation que Vollard effectue. Ces artistes d’avant-garde, Maurice Denis, Pierre Bonnard, Paul Sérusier ou Ker-Xavier Roussel fréquentent la galerie Vollard.
S’il renonce aux albums généraux, Vollard édite des albums individuels, d’artistes dont il apprécie le travail: Amour de Maurice Denis qui retrace le coup de foudre pour sa femme, Quelques aspects de la vie de Paris de Pierre Bonnard qui détaille le fourmillement incessant des rues de la capitale, Paysages et intérieurs d’Edouard Vuillard qui met en scène la mère de l’artiste. Celui de Ker-Xavier Roussel, Paysages ne sera jamais achevé. Les artistes en lien avec Ambroise Vollard leur éditeur et avec Auguste Clot le lithographe attitré, expérimentent et s’amusent des possibilités techniques, chromatiques et formelles de la lithographie en couleurs.
Ambroise Vollard pousse ses artistes dans leurs retranchements, il conseille à plusieurs d’entre eux de s’essayer, non seulement à l’estampe mais aussi à la sculpture et à la céramique. Il fait la connaissance d’un maître céramique et tous deux vont convaincre les artistes du début du XXème siècle du potentiel de la peinture sur céramique. Matisse, Vlaminck, Maillol notamment vont collaborer avec le céramiste André Metthey et s’essayer à ce nouveau médium avec les encouragements de Vollard.
Vollard édite par ailleurs des estampes à la feuille, sans qu’elles fassent parties d’un recueil plus conséquent, de peintres dont il vend les toiles, comme Cézanne ou Renoir. Cependant l’édition d’estampes l’occupe essentiellement au début de sa carrière, il se consacre ensuite pleinement à l’édition de livres d’artistes.
C’est l’objet de la troisième section de l’exposition. La production industrielle permet au livre d’être imprimé en plus grand nombre et donc d’être de plus en plus facilement accessible. Vollard va de nouveau aller à contre courant et proposer des éditions d’ouvrages en série limitée à 200 ou 400 exemplaires. Il vise une clientèle aisée et élitiste. En 1900, il édite Parallèlement de Verlaine, illustré par Bonnard. C’est l’un de ses premiers gros projets. Déjà nous notons l’amour des beaux papiers, la recherche typographique, le choix exigeant du circuit d’impression et surtout la préséance de l’image sur le texte. Il ne s’agit plus d’un livre, mais d’une « succession de tableaux » selon les mots de Vollard. Il réussit à réunir le texte d’un auteur avec le peintre adéquat en donnant l’impression d’une création commune, d’une oeuvre à part entière. Il varie les styles et les auteurs. Il fait des choix audacieux et d’autres plus conventionnels, sans doute pour s’assurer la clientèle des bibliophiles. L’exposition est l’occasion de découvrir ses projets d’artiste souvent méconnus, tels que l’illustration de Dingo d’Octave Mirbeau par Pierre Bonnard, la collaboration de Stéphane Mallarmé et d’Odilon Redon pour Un coup de dés n’abolira jamais le hasard, qui sera interrompue par le décès du poète, ou encore le Jardin des supplices d’Octave Mirbeau par Auguste Rodin.
De nombreux projets sont présentés. Les choix illustrent l’ambiguïté du projet de Vollard qui révolutionne le livre d’artiste mais qui veille à ne pas trop choquer les bibliophiles conservateurs pour pouvoir assurer le succès de ses éditions. Les artistes dont Vollard s’entourent ne sont pas des illustrateurs de profession, mais ceux dont il apprécie le travail en peinture. Il privilégie la lithographie, même si elle est assimilée à une technique commerciale quasiment vulgaire. Ses choix éditoriaux choquent régulièrement, notamment lorsqu’il choisit des auteurs sulfureux. Mais il sait également produire des livres illustrés par des bois gravés, technique préférée des bibliophiles; il sélectionne des textes moins transgressifs. Sa réputation le rend toutefois persona non grata dans les bibliothèques des plus puristes. Cependant la qualité et la quantité des éditions Vollard sont telles qu’elles deviennent incontournables.
S’il arrête d’organiser des expositions dans sa galerie à chaque lancement d’ouvrage, il prête beaucoup d’estampes, notamment à des institutions étrangères. Son apport à la scène artistique du début XXème est indiscutable. Il dépense des sommes considérables pour ses éditions, que la vente de tableaux n’équilibrent pas toujours. Si son activité est un échec commercial, la reconnaissance internationale est forte. Les dernières années, notamment les années 30 grâce à la publication de nouveaux artistes et à un renouveau du milieu bibliophile sont plus rentables sur le plan financier.
Son soutien aux artistes et son rôle de premier plan lui ont permis d’impacter l’histoire de l’art du XXème siècle, mais également l’historiographie. En effet, il publie des textes qui évoquent ses souvenirs de Renoir, Degas, Cézanne, etc. Il écrit également des pièces de théâtre qui ne seront jamais jouées, mais qui sont encore un exemple de ses activités multiples.
Ambroise Vollard décède en 1939 dans un accident de voiture. Sa disparition soudaine interrompt la production d’une vingtaine de livres d’artiste. Le dernier testament du marchand date de 1911. Cependant entre temps, il a continué à acquérir des oeuvres de maîtres: entre projets éditoriaux en cours et toiles reconnues, sa fortune est difficile à estimer. Son frère aidé par un marchand tente d’aider les artistes à achever leurs projets en cours. Le fonds d’estampes est racheté en intégralité par Henri Marie Petiet qui prend sa suite et commercialise la Suite Vollard de Picasso.
Henri Marie Petiet vient d’une famille d’ingénieurs et d’industriels et comme Ambroise Vollard il n’était pas destiné à tomber dans l’estampe. Il ouvre un magasin à Paris, A la belle épreuve. Il s’intéresse tout d’abord aux livres de luxe. Son goût pour l’illustration l’entraîne alors vers l’estampe. C’est auprès d’Ambroise Vollard qu’il affine sa sensibilité et fait ses premières acquisitions. Comme son mentor, il prend plaisir à encourager la création et soutient des artistes dans leurs aventures éditoriales. Cela sera le cas de Marie Laurencin, Jean-Emile Laboureur ou encore André Dunoyer de Segonzac. L’acquisition du fonds d’estampes de Vollard à la mort de ce dernier lui assure une renommée dans le milieu de l’édition à un niveau international. Il se rend à plusieurs reprises aux Etats-Unis et les oeuvres qu’il cède à des institutions américaines contribuent à renforcer la présence d’artistes français outre-Atlantique.
La visite de l’exposition nous permet de voir des oeuvres d’artistes majeures de la fin du XIXème siècle et du début du XXème, rassemblées par le goût d’Ambroise Vollard. Picasso disait: « La plus belle femme du monde n’a jamais eu son portrait, peint dessiné ou gravé plus souvent que Vollard: par Cézanne, Renoir, Rouault, Bonnard, Forain ».
L’exposition est également l’occasion de (re)découvrir les techniques des arts graphiques avec une attention toute particulière portée à la médiation et aux explications sur les différents procédés. Des feuilletons numériques permettent de consulter toutes les feuilles des ouvrages. Nous réalisons notre chance de pouvoir admirer autant d’éditions originales.
L’exposition se visite comme on écoute une histoire, accompagné de ces deux figures attachantes que sont Ambroise Vollard et Henri Marie Petiet. Nous réalisons tout ce que les prises de risque continuelles et le goût sûr du premier ont apporté à l’histoire de l’art. Le monde des marchands d’art nous apparaît moins mercantile, porté par la passion et les convictions de ces deux hommes.
Editions limitées, Vollard, Pétiet et l’estampe de maîtres au Petit Palais jusqu’au 29 août.
Liste des oeuvres:
1) Portrait d’Ambroise Vollard, Paul Cézanne, 1899, Petit Palais, Paris
2) Portrait d’Henri Marie Petiet, Marcel Gromaire, 1931, collection particulière
3) La Toilette de la mère, Pablo Picasso, 1905, musée d’art moderne, Paris
4) Portrait d’Ambroise Vollard, Jean-Louis Forain, 1905, Petit Palais, Paris
5) La petite blanchisseuse, Pierre Bonnard, 1896, INHA, Paris
6) Le Premier janvier, Félix Vallotton, 1896, INHA, Paris
7) Etude de femmes nues, Charles Maurin, 1896, INHA, Paris
8) Les drames de la mer, Paul Gauguin, 1889, Petit Palais, Paris
9) La lithographie, Henri de Toulouse Lautrec, 1893, Petit Palais, Paris
10) La fête au village, Jpsef Rippl-Ronai, 1896, INHA, Paris
11) Le soir, Edvard Munch, 189§, INHA, Paris
12) Les petites machines à écrire, René Georges Hermann Paul, 1896, INHA, Paris
13) Intérieur aux tentures roses, Edouard Vuillard, 1899, Petit Palais, Paris
14) Maison dans la cour, Pierre Bonnard, 1899, Petit Palais, Paris
15) Deux baigneuses, Ker-Xavier Roussel, 1900, Petit Palais, Paris
16) Les crépuscules ont une douceur d’ancienne peinture, Maurice Denis, 1899, Petit Palais, Paris
17) Grande potiche à fond blanc au décor bleu et jaune, Pierre Laprade, 1903, Petit Palais, Paris
18) La ronde des enfants, Mary Cassat, 1903, Petit Palais, Paris
19) Les trois Grâces, Louis Valtat, 1908, Petit Palais, Paris
20) Les Baigneuses, Paul Cézanne, 1896, collection particulière
21) Baigneuse debout en pied, Auguste Renoir, 1896, INHA, Paris
22) La Tentation de Saint Antoine, Odilon Redon, 1896, Petit Palais, Paris
23) Le jardin des supplices, Auguste Rodin, 1902, INHA, Paris
24) Un coup de dés n’abolira jamais le hasard, Odilon Redon, 1897, BNF, Paris
25) Les Fleurs du mal, Emile Bernard, 1916, Petit Palais, Paris
26) Cirque de l’étoile filante, Georges Rouault, 1935, musée d’art moderne, Paris
27) Orphée et Eurydice, Emile Bernard, 1915, BNF, Paris
28) Sagesse, Maurice Denis, 1909, collection J.B.
29) Fables de La Fontaine, Marc Chagall, 1927, collection particulière
30) La Vague, Aristide Maillol, 1895, Petit Palais, Paris
31) La Vague, Aristide Maillol, 1898, Petit Palais, Paris
32) Estampes de la Suite Vollard, Pablo Picasso, 1933, musée d’art moderne, Paris
33) Estampes de la Suite Vollard, Pablo Picasso, 1933, musée d’art moderne, Paris
34) Estampes de la Suite Vollard, Pablo Picasso, 1933, musée d’art moderne, Paris
35) L’Ange bleu, Marie Laurencin, 1931, Petit Palais, Paris
36) Les oiseaux chassés du ciel, Edouard Goerg, 1938, Petit Palais, Paris
37) Etude de nus, Suzanne Valadon, 1896, INHA, Paris
38) Jeanne allaitant son enfant, Mary Cassatt, Petit Palais, Paris
39) Hélène chez Archimède, Pablo Picasso, 1931, BNF, Paris
40) Portrait d’Ambroise Vollard au chat, Pierre Bonnard, 1924, Petit Palais, Paris
Article rédigé par Amélie Hautemaniere – Photos de l’auteur.
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