Quand l’Art rencontre la neurobiologie
Le peintre Guillaume Bottazzi vient de poser la touche finale à un tableau de 144m², visible depuis la Grande Arche. Cette œuvre jouxte le stadium…
A l’occasion de sa réouverture après travaux, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris nous propose une passionnante rétrospective de l’artiste allemand Hans Hartung.
Né en 1904 et décédé en 1989, il fait partie de ces artistes qui ont traversé le XXème siècle assistant aux bouleversements historiques et participant aux révolutions picturales.
Le parcours est chronologique. On suit la vie du peintre autant que ses expérimentations et recherches.
La première partie de l’exposition Vers l’abstraction couvre la période de 1904 à 1939. Hartung commence à peindre très jeune et suit des cours dans des écoles d’art à Leipzig puis à Dresde. Les moyens financiers de sa famille lui permettent de voyager en Europe et ainsi de se familiariser avec le cubisme et avec le courant naissant de l’abstraction. En 1935, un interrogatoire de la Gestapo le pousse à fuir l’Allemagne et à se réfugier à Paris où il fréquente les milieux d’avant garde. Déjà il crée les motifs calligraphiques qui deviendront son identité et développe un vocabulaire plastique à base de grilles et de traits noirs.
Ensuite nous traversons les années 1940 à 1956 avec Peindre à tout prix. En 1939, Hartung s’engage dans la Légion étrangère : sa production picturale se réduit de fait.
Blessé en 1944, il est amputé de la jambe droite. Cette blessure aura une incidence sur sa manière de peindre. Vivant dans le plus grand dénuement et s’habituant aux limites de son corps, il peint alors essentiellement des petits formats, des encres sur papier, qui constituent un véritable répertoire de forme dans lequel il piochera et qui l’inspirera. Les couleurs se raréfient, occupent le fond de la toile pour donner toute leur puissance aux larges traits noirs.
La troisième section Agir sur la toile couvre les années 1957 à 1970 pendant lesquelles plus que jamais, il joue avec le support et les techniques. Depuis ses jeunes années, par souci d’économie mais aussi par esprit méthodique, il privilégiait la technique du report qui consiste à sélectionner une œuvre réalisée dans un petit format, à en faire la mise au carreau pour l’agrandir fidèlement, et ainsi pouvoir la reproduire à la peinture à l’huile sur une toile de grand format. Il s’affranchit peu à peu de cette technique et se confronte directement à la toile. Il gratte la matière et griffe la toile dans un élan ascensionnel.
Il s’essaye également à la pulvérisation avec des aérosols, avec des outils de carrossiers à air comprimé ou encore avec des sprays. L’instrument est alors le prolongement du corps et permet d’amplifier le geste.
L’exposition se termine avec les années 1971 à 1989 et le Geste libéré : à la fin de sa vie, Hartung, installé à Antibes dans un atelier qu’il a conçu, ose tout, les juxtapositions de couleur, l’usage d’outils de plus en plus éloignés de l’univers pictural, et même s’il est de plus en plus affaibli, il continue à peindre, aidé par des assistants qui lui préparent ses toiles et ses couleurs. Les formats deviennent de plus en plus importants, les œuvres méditatives. L’artiste est à cette période très prolixe, alors qu’il fait face à de grandes difficultés pour se déplacer, Hartung peint, depuis son fauteuil et grâce à ses ingénieux outils, presqu’une toile par jour !
Le parcours est fluide et très agréable ; l’exposition réussit plusieurs paris. Elle nous permet de rencontrer l’homme autant que l’artiste, grâce à de nombreux éléments biographiques et des archives de correspondances ou de titres de presse. Tel un roman, on suit le déroulé de la vie trépidante de Hans Hartung, ses deux mariages avec l’artiste norvégienne Anna-Eva Bergman, leurs déménagements, la solidarité de ses amis artistes lorsqu’il était en difficulté financière, ses premiers succès jusqu’à l’obtention du Grand Prix de la Biennale de Venise en 1960, et la stabilité économique et la reconnaissance…
L’exposition donne également à voir la richesse des innovations techniques et les réflexions sous-tendant le processus de travail de Hans Hartung. Avec plus de 300 œuvres et des cartels intelligemment rédigés, nous nous intéressons à la diversité des supports, de la toile aux galets, de la céramique à la photographie, ainsi qu’à la multitude des outils, de l’aspirateur à la brosse pour étriller les chevaux, du râteau aux branches de genêts, … Hartung explore, expérimente mais surtout s’amuse. Il repousse toujours plus loin les possibilités de la couleur et de la toile. Il s’interroge sur le format et le cadrage, sur le potentiel de la surface et de la matière, sur la ligne et le rythme insufflé par le motif.
Enfin, en sous-texte, l’exposition nous parle du travail de le Fondation Hartung-Bergman à Antibes pour la reconnaissance du couple. La Fondation est le principal prêteur de l’exposition et dans les premières salles, la scénographie s’inspire d’ailleurs des spécificités architecturales du dernier atelier de Hartung à Antibes.
Précurseur de l’abstraction, figure forte du courant de l’abstraction lyrique et de la peinture gestuelle, Hans Hartung est un artiste tourné vers l’avenir, à l’affut des progrès technologiques et humains dont l’œuvre résonne encore aujourd’hui.
Hans Hartung, la fabrique du geste au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris jusqu’au 1er mars 2020.
Liste des oeuvres:
1) T1987-H5, 1987, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
2) Autoportrait, 1922, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
3) T1936-2, 1936, Musée National d’Art Moderne, Centre Pompidou, Paris.
4) T1936-11, 1936, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
5) T1934-2, collection particulière Suisse.
6) T1956-15, 1956, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
7) T1963-H37, 1963, collection privée.
8) P1961-86, 1961, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
9) T1964-H44, 1964, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
10) T1971-R29, 1971, Pinakothek der Moderne, Munich.
11) T1966-E25, 1966, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
12) T1980-E50, 1980, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
13) Vue des salles d’exposition
14) T1989-K37, 1989, T1989-K36, 1989, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Paris.
15) T1961-H4, 1961, Fondation Hartung-Bergman, Antibes.
16) T1989-K36, 1989, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, Paris.
17) T1989-K32, Fondation Hartung-Bergman, Antibes. (dernière oeuvre de Hans Hartung)
Article rédigé par Amélie Hautemaniere – Photos de l’auteur
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