Quand l’Art rencontre la neurobiologie
Le peintre Guillaume Bottazzi vient de poser la touche finale à un tableau de 144m², visible depuis la Grande Arche. Cette œuvre jouxte le stadium…
Nous vous proposons une sélection d’expositions à voir à Paris durant le mois d’août.
Pour la première fois de son histoire, le musée de la vie romantique donne la part belle à l’art contemporain avec l’exposition Coeurs, du romantisme dans l’art contemporain. Une quarantaine d’oeuvres de trente artistes sont rassemblées autour du symbole et de la représentation du coeur. Cela fait écho aux collections permanentes de ce charmant musée de la ville de Paris, qui s’intéresse au romantisme, le courant du XIXème siècle, caractérisé par la consécration du sentiment amoureux.
Le propos s’articule autour des deux approches du coeur : entre vision anatomique et métaphore usuelle, il est tour à tour perçu comme l’organe essentiel du corps humain ou comme le centre des émotions. Si les oeuvres sont toutes d’époque actuelle, les médias et matières sont divers : peintures, sculptures, céramiques, photographies, néons, dessins sont mis en valeur sur des cimaises roses et bleues pastels dans l’atelier et jusque dans les salles du bâtiment principal, où elles se détachent parmi les oeuvres et décors XIXème siècle.
Le parcours est en sept étapes. La première Cœur ouvert s’intéresse aux représentations anatomiques, puis Cœur artiste considère le cœur comme centre de la création artistique, suivie de Cœur symbole qui retrace le motif du cœur hérité de la feuille de lierre ; celle-ci a la particularité de rester vivace toute l’année. Ensuite Cœur amoureux s’interroge sur les liens entre l’état amoureux qui, en provoquant une accélération du rythme cardiaque, a placé l’organe au centre des passions humaines. La section suivante nous parle de Cœur brisé, les tourments et le chagrin amoureux devenant une source de création pour les artistes et écrivains. Après les peines de coeur, vient le temps des souvenirs avec Cœur gravé qui explore ce qui reste d’une histoire d’amour. Enfin Cœur éternel parle des histoires qui dépassent la mort et traversent les siècles comme Roméo et Juliette. La petite sélection d’oeuvres couvre ainsi l’étendu des états amoureux, de l’éveil des sentiments à la rupture en passant par le coup de foudre, la séduction, la déclaration, l’érotisme, la rupture, le deuil, voire l’amour immortel. La visite est très agréable, nous retrouvons des oeuvres iconiques d’artistes incontournables de la création actuelle comme Annette Messager, Sophie Calle, Pierre et Gilles ou Françoise Pétrovitch, tout en découvrant quelques nouveaux noms.
Le Petit Palais présente La force du dessin, chefs d’oeuvre de la collection Prat. Louis-Antoine et Véronique Prat ont initié leur collection dans les années 1970. Elle se concentre sur l’école française du XVIIème siècle à la toute fin du XIXème siècle. Le couple aime particulièrement les dessins préparatoires à des grands décors ou à des oeuvres iconiques de l’histoire de l’art.
Leur collection s’est imposée comme l’un des ensembles privés parmi les plus prestigieux au monde. Il a toujours été fondamental pour Louis-Antoine et Véronique Prat de la partager et de la présenter au public ; ils ont ainsi organisé plusieurs expositions à travers le monde. En 1995, ils ont même eu les honneurs du Louvre. C’était la première fois que le musée exposait une collection privée.
Le parcours retenu pour l’exposition du Petit Palais est chronologique et nous permet un survol de trois siècles d’histoire de l’art en 180 feuilles. Les dessins sont regroupées par grands ensembles tous introduits par un texte pédagogique.
Nous débutons notre visite par Les dessinateurs français entre Paris, Rome et la province qui évoque l’attrait pour l’Italie au XVIIème siècle avec des oeuvres de Poussin, de Le Lorrain, de Callot ou encore de Le Sueur et de La Hyre. Puis La couleur face au dessin : Rubénistes et Poussinistes s’intéresse à la production sous le règne de Louis XIV et à l’établissement de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648 qui marque le triomphe de l’esprit classique. C’est l’époque des grands décorateurs de Versailles comme Le Brun, Coypel et de La Fosse et du combat entre ligne pure et couleur. Ensuite vient le temps de la Régence avec une section sur Watteau et l’art rocaille qui met en valeur les fêtes galantes et la célébration de l’amour, reprise ensuite par Boucher. Les commandes religieuses du clergé favorisent l’art de Restout et de Trémolières. Cependant ces thèmes d’histoires mythologiques ou religieuses lassent la nouvelle bourgeoisie du règne de Louis XV, et dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, les sujets de genre hérités de la peinture du Nord sont en vogue avec Greuze en figure incontournable. C’est également l’époque des fouilles de Pompéi et d’Herculanum qui suscitent un regain d’intérêt pour l’antiquité et le voyage à Rome et particulièrement pour le dessin sur le motif tel que pratiqué par Hubert Robert. La section suivante, Le néoclassicisme ou le triomphe de la vertu, met en avant la figure de Jacques-Louis David. Le début XIXème est marqué par l’iconographie autour de la gloire de Napoléon et des élèves de David, Girodet et Gros, tandis qu’Ingres et Delacroix s’opposent entre ligne classique et couleurs romantiques. Après 1850, si ce clivage entre académisme et réalisme s’exacerbe en peinture, force est de constater qu’en dessin les approches ne sont pas si opposées entre les peintres dits pompiers et ceux plus officiels. Le XIXème siècle est également l’époque des rapprochements entre art plastique et littérature avec des écrivains dessinateurs comme Victor Hugo ou Charles Baudelaire. Gustave Moreau et Odilon Redon sont également sensibles aux liens entre l’art et l’écrit qui nourrira le courant symboliste. Enfin à la fin du XIXème on distingue les jalons de la modernité du début du siècle suivant avec les audaces de Manet ou de Degas, de Rodin ou de Gauguin, de Cézanne ou de Toulouse Lautrec.
A chaque section, les artistes en marge des courants officiels sont également cités. Nous constatons que loin de se contenter d’acquérir des grands noms de l’histoire de l’art, les Prat ont souvent pris des risques et se sont laissés tenter très tôt par des artistes plus discrets, voire pas encore réhabilités. Cette prise de risque est inhérente à l’acte de collectionneur, il aurait été intéressant que l’exposition s’arrête davantage sur la stratégie d’achat et de constitution d’une collection.
Le Palais de la Porte dorée nous propose une exposition consacrée au créateur de souliers Christian Louboutin. Le choix du lieu peut surprendre, pourtant l’artiste est né dans le 12ème arrondissement de Paris, et était un familier du Palais de la Porte dorée, dont les décors le fascinent. L’anecdote veut que lors d’une visite un panneau interdisant le port de talons aiguilles pour préserver les mosaïques, l’interpelle et lui inspirera ses escarpins à la semelle rouge.
Le parcours de l’exposition n’est pas chronologique. Il ne s’agit pas de faire l’inventaire de toutes les créations de Christian Louboutin mais de découvrir ses inspirations, son processus créatif, et de s’intéresser aux savoirs faire. Il met également en avant quelques artistes contemporains qui lui sont chers comme David Lynch.
La première section Early years présente les tout premier souliers du créateur dans les années 80-90. Le ton est alors léger, drôle souvent décalé. La mode est un jeu. La deuxième partie est une salle aux trésors où sont exposés les créations les plus emblématiques de Louboutin. Ces souliers sont le fruit d’accomplissements techniques, parlent des thèmes chers au créateur comme les voyages, la couture, la fantaisie… Nous découvrons ensuite la série des Nudes, initiée en 2009. Louboutin imagine un soulier couleur chair, qui a pour but de créer un effet d’optique avec la couleur de la jambe pour élancer la silhouette. Il décline son modèle pour qu’il puisse s’adapter à huit carnations différentes. Cela a été considéré, notamment aux Etats-Unis comme un acte culturel fort. La partie suivante est composée de petits films, qui retracent les différentes étapes de la fabrication d’un soulier. Le ton y est toujours très léger bien que pédagogique. La cinquième salle est un salon à l’anglaise qui semble être très cosy et coquet. Cependant on réalise rapidement que chaque élément décoratif du papier peint jusqu’au moindre bibelot est composé de corps enchevêtrés, oeuvre du photographe Pierre Molinier. Louboutin souhaite avec ce clin d’oeil interroger les projections que nous faisons sur le soulier et notamment sur l’escarpin, objet de séduction, de domination ou de pouvoir.
Nous changeons d’ambiance avec la salle suivante, qui nous transporte dans un théâtre bhoutanais. Les arts du spectacle sont chers au coeur de Louboutin, enfant des nuits qui a très jeune fréquenté le club parisien du Palace. La scène est une source d’inspiration, mais aussi un lieu privilégié de mise en valeur de ses créations. Dans la section qui suit, nous nous intéressons à la biographie de Christian Louboutin, avec quelques photographies mais surtout un film de l’artiste néo-zélandaise Lisa Reihana qui nous entraîne dans les souvenirs et les lieux chers du créateur. Nous traversons ensuite le Pop corridor, où sont rassemblés des photographies, des extraits d’interview, de films, et de clips musicaux présentant des stars d’Hollywood et de la pop culture comme Beyoncé, Lady Gaga, Kobe Bryant, chaussures Louboutin aux pieds. L’avant-dernière partie de l’exposition dévoile une série de photographies fruit d’une collaboration avec David Lynch. Louboutin a imaginé des souliers pour ne pas marcher que Lynch a mis en scène et photographié. Cette série évoque le fétichisme et en ôtant toute utilité à la chaussure la place définitivement au rang d’objet d’art. La dernière partie est un musée imaginaire, où Louboutin a réunit des oeuvres qui lui sont chères, qui l’inspirent, de l’art africain à la culture queer, de l’art du Gandhara à la porcelaine de Wedgwood… Chaque objet est accompagné d’un commentaire du créateur.
Si les souliers sont la star de cette exposition, une place toute particulière est accordée à des artistes contemporains et rythment la visite. Le propos est riche mais il est distillé au compte goutte de façon très pédagogique.
Tout au long de l’exposition nous sommes émerveillés par une scénographie et une ambiance très soignés. Si le glamour est très présent, le savoir faire et la sensibilité de Christian Louboutin pour les métiers d’art est également mis en valeur.
Les Galeries Nationales du Grand Palais nous plongent dans l’histoire de Pompéi, en s’appuyant sur les dernières découvertes archéologiques. L’institution a fait le choix d’une médiation numérique très forte. La ville de Pompéi et son destin tragique sont connus de tous et fascinent toujours autant depuis la redécouverte des ruines enfouies.
L’impressionnante éruption du Vésuve en l’an 79 de notre ère anéantit sa population, dévasta la ville et figea dans le temps cette cité prospère. Bien que sous domination romaine, Pompéi profitait des terres fertiles de sa campagne pour être une cité commerçante de première importance. La bourgeoisie aisée à la tête de la ville a favorisé l’émergence d’un art fastueux. L’exposition veut nous faire découvrir ce mode de vie tout en nous sensibilisant à la recherche archéologique. En effet depuis 2017, le site inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco accueille à nouveau une équipe d’archéologues qui étudient une zone jusque là inexplorée de la ville. Trois maisons avec des fresques et du mobilier ont ainsi été découvertes.
La scénographie de l’exposition est particulièrement immersive. Lorsque le visiteur entre dans les salles du Grand Palais, il se retrouve propulsé dans une rue passante de Pompei. Des images de façades sont projetées sur les murs ainsi que des habitants en ombre chinoise. L’axe central ainsi délimité abrite quelques objets dans des vitrines, tandis que de part et d’autre de cette avenue, des espaces clos, tels des villas romaines s’intéressent à un thème en particulier. La première replace Pompéi dans son contexte géographique et historique, la suivante retrace l’histoire et la méthode des fouilles menées sur le site, la troisième détaille les quatre styles de fresque retrouvées selon les époques et la dernière met en scène ces fresques dans un espace immersif à 360°. Au centre, le Vésuve à la présence menaçante entre en scène toutes les 15 minutes relâchant cendres et pierres ponces tandis que le ciel s’assombrit.
Nous pouvons regretter la présence trop importante du numérique, aux détriments des objets. Et pourtant quels objets ! Certains, fruits d’anciennes campagnes de fouilles, étaient déjà connus, alors que d’autres sont montrés pour la première fois. Ils nous permettent d’en apprendre plus sur la vie quotidienne des Pompéiens.
Le Centre Pompidou avait programmé une exposition sur les liens entre Paris et l’artiste bulgare Christo. Celle-ci devait ouvrir avant le confinement. La mort de l’artiste, le 31 mai dernier donne une résonance nouvelle à l’ouverture de l’exposition, d’autant plus qu’elle a été pensée et conçue avec l’artiste. En accord avec les commissaires, il ne souhaitait pas proposer de rétrospective, mais s’intéresser très précisément à ses périodes parisiennes. Paris étant la ville de ses débuts et de ses premières expérimentations, nous découvrons ainsi les bases de son processus créatif.
En 1958, Christo Vladimirov Javacheff étudiant à l’Académie des Beaux-Arts de Sofia, fuit la Bulgarie communiste pour Paris en passant par Prague, l’Autriche puis la Suisse. Il gagne alors sa vie en peignant des portraits qu’il signe de son nom de famille. C’est comme cela qu’il reçoit la commande de la mère de Jeanne-Claude, avec qui il débute une relation amoureuse et artistique. L’exposition remet sur le devant de la scène la part prépondérante qu’a eu Jeanne-Claude dans leur duo artistique. S’il crée et conçoit, c’est elle qui donne vie à ses maquettes et orchestre les projets.
Le parcours de l’exposition est en trois parties distinctes. La première s’intéresse à la première période parisienne de Christo, de son arrivée en 1958 au départ du couple pour New-York où ils s’établissent en 1964. A Paris, il observe ses contemporains comme Dubuffet et réfléchit lui aussi à l’affranchissement de la surface et du motif. Il commence à empaqueter des objets, inspirés par les momies égyptiennes ou par les baluchons de son long périple. Cela lui permet de souligner les contours, de laisser deviner les formes tout en soustrayant l’objet au regard. En réaction à la construction du mur de Berlin, Christo empile sans autorisation des barils de pétrole pour barrer la rue Visconti qui est particulièrement étroite. Il s’agit de sa première intervention monumentale. Avant de partir définitivement pour New York, il travaille sur des devantures de magasins à l’échelle 1 ou en modèle réduit, dont les vitrines sont occultées par du tissu ou du papier et éclairées de l’intérieur. C’est la série des Store Fronts qu’il poursuivra aux Etats-Unis. On retrouve cette volonté d’empêchement du regard.
La deuxième partie est un film, cocasse et attachant, des frères Maysles, Christo in Paris de 1990 qui raconte le couple et le projet d’empaquetage du Pont-neuf de 1985. On découvre la campagne d’influence pour convaincre notamment le maire de Paris de l’époque, Jacques Chirac.
La troisième partie retrace les étapes de ce projet en mettant à disposition toutes les archives : photographies, lettres, collages, dessins, maquettes soit en tout 337 pièces conservées par Christo et Jeanne-Claude. Pour chacun de leur projet majeur, le couple constituait un dossier très complet des prémices à la réalisation. Ils vendaient une grande partie des photomontages et esquisses préparatoires pour financer le projet final.
Sur le mur extérieur des salles d’exposition, une frise chronologique rappelle les grands projets de Christo et Jeanne-Claude : Surrounded Island où les îles de la baie de Miami étaient entourées de plastique rose ; The Floating Piers où des bandes de plastique créaient des ponts sur le lac d’Iseo près de Milan ou encore l’empaquetage du Reichstag.
Cet aperçu rapide nous donne envie d’en voir plus et pose les limites d’un accrochage seulement centré sur les créations parisiennes de Christo, d’autant plus que l’exposition fait l’impasse sur le projet d’empaquetage de l’Arc de triomphe repoussé à l’automne 2021.
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Article rédigé par Amélie Hautemaniere – Photos de l’auteur.