Quand l’Art rencontre la neurobiologie
Le peintre Guillaume Bottazzi vient de poser la touche finale à un tableau de 144m², visible depuis la Grande Arche. Cette œuvre jouxte le stadium…
Le musée de Montmartre a pu réouvrir, et même prolonger, l’exposition consacrée à l’artiste allemand, Otto Freundlich, inaugurée quelques jours avant le confinement. Il aurait été dommage de ne pas pouvoir profiter de cette mise en valeur inédite, d’un des pionniers de l’abstraction, qui reste pourtant l’un des plus méconnus.
L’exposition a été organisée en partenariat avec le musée de Pontoise qui est dépositaire du fonds d’atelier de l’artiste. Elle présente environ quatre-vingts oeuvres d’Otto Freundlich et permet de mettre en avant sa maîtrise de techniques aussi diverses que la peinture, le vitrail, la sculpture, la mosaïque ou encore la gravure. Le parcours de l’exposition est chronologique et en huit parties, il s’attache à suivre autant les recherches de l’artiste que son apport à l’abstraction.
L’exposition devait être proposée en résonance avec celle du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, qui aurait lui présenté l’Ecole de Paris entre 1905 et 1940. A cette époque, beaucoup d’artistes, comme Otto Freundlich, sont attirés par Paris et viennent du monde entier vivre dans la capitale de l’art moderne. L’exposition du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, a été re-programmée à l’année 2021, ne permettant pas une mise en contexte qui aurait été bienvenue pour l’exposition du musée de Montmartre.
Otto Freundlich naît à Stolp, ville en territoire prussien, aujourd’hui située en Pologne. Sa famille est d’origine juive, convertie au protestantisme. Il entame des études d’histoire de l’art et de philosophie. Il rencontre Kandinsky et Klee à Munich en 1904. Puis Freundlich voyage en Italie, où il s’initie à la sculpture. Cependant c’est Paris, capitale des avant-gardes qui l’attire. Il s’y rend en 1908 et retrouve des amis allemands, notamment le collectionneur Wilhelm Uhde. Il loue pour quelques mois un atelier au fameux Bateau-Lavoir, où il aura pour voisin de palier Picasso. Il rencontre Braque, Apollinaire, Delaunay, Derain, Max Jacob… avec qui il tisse des liens d’amitié. Il s’intéresse aux recherches cubistes avant de repartir en Allemagne. Il revient à Montmartre en 1911 et réalise sa première oeuvre abstraite. Il pose lors de ce second séjour, le socle de ses recherches picturales et de ses expérimentations plastiques.
Otto Freundlich séjourne de mars à juillet 1914, dans l’atelier de restauration de vitraux de la cathédrale de Chartres. Le travail sur la lumière et le langage architecturé le marque profondément. Mais la Première Guerre Mondiale le pousse à rentrer en Allemagne.
Après 1918, il parcourt l’Allemagne, sans se fixer. Il organise une exposition dada avec Max Ernst. Il continue ses expérimentations, s’essaye pour la première fois à la gravure. Il revient à Paris en 1925. Il rejoint les groupes «Cercle et Carré» en 1930 et «Abstraction-Création» en 1931. En 1938, alors qu’il fête son soixantième anniversaire, la galerie Jeanne Bucher Myrbor lui organise une exposition. Malgré une certaine notoriété et des oeuvres reconnues, il survit dans une grande misère. De nombreux artistes parmi lesquels Picasso, Kandinsky, Léger, Derain, Braque, Sonia et Robert Delaunay, signent un appel pour le soutenir et une souscription pour qu’une de ses oeuvres soit acquise par l’Etat.
Mais au même moment le régime nazi s’affirme en Allemagne. En 1937, c’est une de ses sculptures, Grande tête, datant de 1912, qui est choisie pour faire la couverture de l’exposition itinérante stigmatisant l’art moderne en le qualifiant de « dégénéré ». Quatorze de ses œuvres, conservées dans différents musées allemands, sont alors confisquées et certaines sont détruites. Lorsque la guerre atteint la France, il est interné par les autorités françaises, en tant qu’immigré allemand juif. Grâce à l’intervention de Picasso, il est libéré en mai 1940 et se réfugie dans les Pyrénées-Orientales. Ses amis tentent de lui faire rejoindre les Etats-Unis avec sa femme, mais sans succès. Il refait de mémoire les toiles détruites, afin que ce jalon essentiel dans la compréhension de son oeuvre ne soit pas perdu. Il rédige également son autobiographie, soucieux de son héritage.
Otto Freundlich est arrêté en février 1943 après une dénonciation. Il est alors déporté vers le camp de Sodibor où il sera exécuté le jour même de son arrivée, à l’âge de 65 ans.
Le parcours de l’exposition suit la trame de sa vie, en ménageant des espaces plus thématiques nous permettant de nous intéresser à une oeuvre ou à une série en particulier. Les textes de salles sont très didactiques et chaque salle est agrémentée de citations de l’artiste. Nous nous attachons ainsi, au fur et à mesure des sections, à la personnalité profondément humaniste d’Otto Freundlich. Habité par une force intérieure et un engagement puissants, il cherche à représenter un monde meilleur et ce en quoi il croit pour l’avenir des hommes. Ses oeuvres sont pour lui l’expression de la spiritualité. Sur la toile, il fusionne la couleur et la forme, pour proposer une abstraction reposant sur des lignes et des demi-ogives et une construction dynamique des surfaces. Le résultat est une oeuvre lumineuse et puissante, aux couleurs fortes.
Nous percevons aisément l’apport de son passage dans l’atelier de restauration des vitraux de la cathédrale de Chartres. Nous retrouvons une capacité à faire vibrer la lumière et à jouer avec les couleurs, et surtout une maîtrise de l’art de la décomposition propre aux maîtres verriers.
Otto Freundlich esquissait sur un papier un schéma, où il indiquait pour chaque compartiment la couleur qui y prendrait place. Son système de création est très réfléchi et théorisé, sur le plan esthétique et idéologique.
Il joue sur les différentes densités de l’huile, de la gouache ou du pastel pour imposer la matière sur la toile et jouer avec la lumière. Il travaille autour d’ensembles chromatiques, qui s’imbriquent dans un mouvement souvent ascensionnel, dans un rythme réfléchi mais pourtant naturel et évident. Il recherche une abstraction qui s’adresserait à tous les hommes, grâce à la ligne et à la couleur, sans s’appuyer sur un réalisme initial ou un symbolisme étudié. Si son art est spirituel, il est surtout universel. Il est accessible immédiatement, de façon intuitive et sans initiation, et ce parce qu’il parle du bonheur de vivre, de beauté et de la force de l’humanité.
Pour Otto Freundlich ses convictions politiques, ses nombreuses correspondances, sa participation à différents cercles et mouvements, et surtout son oeuvre ne sont que les facettes d’un seul et même idéal, celui de son humanisme.
Otto Freundlich (1878-1943), la révélation de l’abstraction au musée de Montmartre jusqu’au 31 janvier 2021.
Modalités de visite:
• Nombre de visiteurs limités et jauge affichée dans chaque salle
• Port obligatoire du masque tout au long de la visite
• Maintien d’une distance de 1 mètre avec les autres visiteurs
Liste des oeuvres:
Toutes les oeuvres, sauf indications contraires sont conservées au musée de Pontoise.
1) Composition, 1939
2) Composition, 1936
3) Composition, 1953
4) Les Signes, série, 1919
5) Composition, 1924, collection Patrick Offenstadt
6) Composition, 1919
7) Composition avec figure, 1911
8) Composition, 1911, Musée d’art moderne de la ville de Paris
9) Portrait d’une femme
10) Composition, 1934
11) Composition, 1930
12) Hommage aux peuples de couleur, 1938
13) Composition, 1935
14) Les Signes, série, 1919
15) Composition inachevée, 1943
16) La Rosace I, 1938
17) Composition, 1930
18) Composition, 1910
19) La rosace II et cartel, 1941
20) Fragments de figure à l’ensemble des plans, 1927, collection particulière
21) Composition, 1920
22) Composition, 1928, collection particulière
23) Composition, 1931
Article rédigé par Amélie Hautemaniere – Photos de l’auteur.
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