Quand l’Art rencontre la neurobiologie
Le peintre Guillaume Bottazzi vient de poser la touche finale à un tableau de 144m², visible depuis la Grande Arche. Cette œuvre jouxte le stadium…
Pierre Hugonnard-Bruyère a étudié l’urbanisme et la géographie à l’Université de Poitiers avant d’intégrer le secteur de la promotion immobilière à Bordeaux. Son profil d’universitaire lui confère une vision aussi critique que singulière dans un environnement professionnel en pleine structuration. À 32 ans, il est aujourd’hui responsable du développement immobilier Nouvelle-Aquitaine chez 1001 vies habitat, entreprise sociale pour l’habitat.
La promotion immobilière : des humains derrière ?
Après avoir étudié la géographie et l’urbanisme, il paraissait évident à Pierre Hugonnard-Bruyère que les territoires étaient le support des activités économiques, et humaines. Pourtant, à peine intégré le monde du conseil en immobilier – d’abord dans sa propre société de conseil HBF Conseil à destination des collectivités, puis chez Adéquation – il réalise que l’immobilier est laissé aux mains des professionnels du commerce :
« Mes confrères sortent tous d’école de commerce, cela donne des visions tronquées, parfois ils oublient qu’il y a des hommes qui vivent sur le territoire. Je m’efforce de toujours remettre la personne au centre, c’est ce que j’aime dans mon métier ».
Pierre Hugonnard-Bruyère comprend alors que ses connaissances territoriales peuvent être mises à profit d’une meilleure compréhension des enjeux économiques, et de l’offre et de la demande. Il constate dans les années 2000 l’explosion du nombre de sociétés de conseils en immobilier, apparues dès les années 1990. L’utilisation des données (big data) a sans doute encouragé ces pratiques, qui restent selon lui assez sommaires. Toutes les entreprises utilisent les mêmes données, les mêmes logiciels, tandis qu’il propose des études de marchés établies à partir d’analyses fines des territoires. Chaque étude est différenciée, fondée sur ses singularités locales, ses typologies familiales, et ses activités économiques. Il met également au service de ses études des méthodes de prospective territoriale afin d’anticiper le développement des terrains étudiés.
En 2019, il est recruté chez Inovefa comme responsable Grand Ouest. Il définit les stratégies commerciales d’opérations au travers d’études de marché et optimise et commercialise des programmes. Il produit des conseils aux promoteurs et aux bailleurs et constate une externalisation de plus en plus fréquente des activités : « C’est une tendance lourde partout, et les promoteurs n’y coupent pas, ils externalisent les ressources humaines, la trésorerie… les études de marchés ! ». Ses missions types chez Inovefa correspondaient à des études de marchés, intégrant une stratégie commerciale dans sa totalité jusqu’à la vente. À titre d’exemple, un major de la promotion a récemment fait appel à ses services pour connaître le potentiel sur toutes les grandes villes hors métropoles dans la région Nouvelle-Aquitaine. Pierre Hugonnard-Bruyère élabore alors une typologie représentative de la région (communes thermales, littorales, reculées…).
Aujourd’hui en charge du service développement foncier chez 1001 vies habitat, il répond aux appels d’offres, rencontre les partenaires et réalise les premières faisabilités, tout en participant au développement du groupe en Nouvelle-Aquitaine.
Le promoteur immobilier, partenaire des architectes
Pierre travaille de différentes manières avec les architectes. Selon les besoins, il a recours à un architecte pour réaliser une faisabilité afin d’orienter ses choix fonciers. Dans d’autres cas, il travaille conjointement avec des architectes tels que Poggi ou MORe, afin de répondre aux appels d’offres.
Ainsi, ses relations avec les architectes peuvent aller d’une simple mission de faisabilité à l’élaboration de projets complexes où une véritable co-construction s’organise.
Quel avenir pour la promotion immobilière ?
Enseignant à l’ESPI depuis 2019 au sein du Master Aménagement et Promotion Immobilière (MAPI), il remarque une professionnalisation intense chez les acteurs de la promotion. Il constate qu’il y a une dizaine d’années, le développeur foncier se formait surtout sur le terrain, et ne savait pas réellement « monter un programme ». Les ingénieurs de l’ESTP (école spéciale des travaux publics) ont progressivement endossé des postes de responsable de programme, amenant ainsi un niveau de compétences plus élevé. Pierre invite aujourd’hui ses étudiants et ses confères à se méfier de l’uniformisation des outils, et des recettes toutes faites. Il cherche à former des personnes les plus compétentes et pertinentes possible :
« L’ubérisation n’a pas lieu dans ces métiers, cela n’apporte jamais rien de concret. Le logiciel « Kel Foncier », je me bats contre cette absurdité ! Tout le monde l’a ! C’est fini cette époque ! Il y a un intérêt d’aller sur place, en courant, en se baladant, il faut décrypter les territoires, enquêter ! »
Du point de vue des dynamiques territoriales, la lutte contre l’étalement urbain et l’adaptation au changement climatique sont à l’œuvre dans l’aire métropolitaine bordelaise. Le nouveau maire de Bordeaux (groupe écologiste, élu en 2020) a proposé en 2021 un label « Bâtiment frugal » qui vise à promouvoir les filières locales et à réduire les impacts de la construction sur le climat. Selon le promoteur, l’accès à la frugalité est encore trop onéreux et risque de bloquer des opérations. Si les budgets des ménages ne sont pas suffisants pour payer la frugalité, il craint que l’étalement urbain continue sa progression :
« La frugalité engendre un surcoût de 20%, c’est énorme ! On impose des programmes frugaux, des surcoûts liés à la raréfaction des matériaux, des ressources. Pourtant le budget des ménages n’augmente pas, et Bordeaux attire toujours plus ! »
Finalement, dans ses nouvelles activités, Pierre essaie d’incorporer certains principes du référentiel de la frugalité tel que la pierre porteuse, la double orientation et des normes telles que le NF 9* au sein des programmes sociaux qu’il propose, afin qu’une plus large majorité de résidents et de futurs habitants bénéficie d’un meilleur logement, quelles que soient leurs situations socio-économiques.
Portrait réalisé par Laura Brown, chargée de recherche et d’enseignement à l’ESPI Bordeaux. Associée au laboratoire ESPI2R, PAVE, EnsapBx, CED, Université de Bordeaux. L’entretien a été réalisé dans le cadre d’une recherche collective portée par une équipe d’enseignants-chercheurs d’ESPI2R sur les mutations des professions immobilières.