« Unique », « singulière », tels sont les adjectifs qui viennent à l’esprit lorsque l’on songe à Alexandra Lassen. Le parcours de cette architecte franco-danoise, également diplômée de la FEMIS, est fascinant. Pendant dix ans, elle a mené simultanément une carrière d’architecte avec celle de décoratrice de plateau. En 2010, le virus de la nouveauté a poussé Alexandra dans une nouvelle aventure, celle de la découverte de l’Asie. Elle nous en livre ses premières impressions.

Alexandra Lassen, l’architecture, atavisme familial ?

Oui, comme souvent dans les professions libérales ; ma grand-mère danoise était architecte ainsi que son fils, mon père, et sa fille. Il a fondé son agence en France avec Jacques Rivet son associé juste après la seconde guerre mondiale. Au fond, sans vraiment vouloir me l’avouer parce que je trouvais cela un peu trop évident, je savais qu’un jour j’exercerai le métier d’architecte. En 1988, ma mère m’a inscrite à l’école d’architecture en me disant : « On verra plus tard ». Et le « plus tard » a duré sept ans.

Vous étiez satisfaite de vos études ?

Oui, beaucoup. J’ai commencé à travailler tout de suite en parallèle de mes études notamment avec mon frère aîné qui avait déjà ouvert son cabinet. Je pense qu’un étudiant en architecture doit s’intégrer dans le monde du travail le plus vite possible quitte à rallonger ses études d’une année. En fait, on gagne du temps car on acquiert de l’expérience et c’est ce que l’on demande à un jeune architecte : être opérationnel rapidement.

Une fois votre diplôme obtenu, qu’avez-vous fait ?

Cela peut sembler un peu incongru. En 1995, j’ai réussi le concours d’entrée à la FEMIS où j’ai suivi la filière de décorateur de cinéma. Il faut croire que l’atavisme a encore frappé… En effet, mes deux parents travaillaient beaucoup. C’est pourquoi, j’ai passé beaucoup de temps avec ma grand-mère française, une femme merveilleuse… et propriétaire d’un cinéma en province. J’y ai découvert tous les films des années 70, 80 et surtout des films populaires français. La passion des salles obscures m’est ainsi apparue très tôt.

Vous aviez déjà le goût des voyages ?

Oui, j’ai toujours aimé voyager et découvrir le monde, héritage de mes parents qui m’ont toujours trimballée avec eux au cours de leurs voyages. Ils m’ont aussi appris à observer, écouter et apprécier échanger avec autrui. En 1998/99, j’ai profité d’un programme d’échanges de la FEMIS pour suivre une année d’études à la FTRS, son équivalent à Sidney. Dans nos domaines d’activités, c’est important. On ne peut pas créer dans son coin, ces métiers mélangent des personnes provenant de milieux, d’âge et de cultures très différents. L’échange, l’écoute et l’observation font partie du travail : c’est un mode de vie, de pensée.

C’est à ce moment-là que vous êtes allée en Chine pour la première fois?

C’était en 1999. Je devais sortir du territoire australien tous les six mois et j’ai opté pour le billet le moins cher, destination : la Chine. Rien ne m’avait préparée à cette rencontre. Je suis arrivée à Pékin un soir de froid hivernal. La ville m’a semblée dense, sombre et j’étais entourée de monde à pied… à vélo… partout. C’était bruyant, les odeurs étaient fortes et j’errais dans le centre des hutongs absolument émerveillée, fascinée par ce qui se présentait devant moi, car cela ne ressemblait à rien de ce que j’avais pu découvrir auparavant. Le contraste avec l’Australie s’avérait total.

De retour à Paris, comment cela s’est-il passé pour vous ?

Après hésitation, rester ou ne pas rester ? Je suis rentrée en France où j’ai passé mon diplôme de la FEMIS. Dix jours après j’ai commencé à travailler comme assistante sur un long métrage. Tout s’est enchaîné alors de façon très fluide. Dans le cinéma, j’ai gravi tous les échelons, et pendant dix ans, j’ai jumelé les deux activités : celle d’architecte en freelance et de décorateur de cinéma. Je travaillais sur deux trois films par an en moyenne, et le reste du temps je travaillais en architecture pour des particuliers. Je gérais toutes les phases des projets : conception, DDCE, suivi de chantier et choix du mobilier.

Cependant le rythme devait être très soutenu ?

Oui, l’emploi du temps était bien chargé. Dans le cinéma surtout, les journées de travail sont intenses et peuvent durer quinze, seize heures par jour. Lorsque mon enfant est né en 2007, c’était moins compatible. J’ai alors recentré mes activités en architecture en développant ma clientèle particulière et en travaillant en freelance chez RDAI, Rena Dumas Architecture d’intérieur à partir de 2008.

C’est une structure très prestigieuse…

C’est le cas en effet, et sa réputation n’est pas usurpée. En tant que freelance, j’enchaînais des missions de six semaines, APD et DCE pour des projets de boutiques Hermès. Les projets étaient complexes, très sophistiqués, et beaucoup de soin était apporté aux détails. C’est vraiment de la haute couture appliquée à l’architecture d’intérieur.

A suivre…