Parcours inspirant : portrait de Samuel Ginsbourger
A 30 ans, Samuel Ginsbourger est passé des agences d’architecture haut-de-gamme aux principes de la frugalité heureuse et créative qu’il applique avec passion, notamment dans…
Cela faisait longtemps que ce projet me tenait à cœur. Je suis venue régulièrement, à plusieurs reprises en 2002, 2003, 2005, et 2008, pour voyager et mieux découvrir ce territoire. J’en ai profité pour répondre aussi à quelques commandes de photos de chantier. Etrangement, quelque chose m’a toujours attirée ici sans que je puisse vraiment en déterminer les raisons. Fascinée par la Chine, j’ai rapidement souhaité m’y installer. En 2005, j’avais commencé à prospecter, mais en architecture d’intérieur, il n’y avait pas grand-chose et le marché commençait tout juste à émerger. Dans ce domaine, les agences travaillaient en Chine depuis l’étranger. En 2010, cela m’a semblé être le bon moment pour tenter l’aventure chinoise. Mes valises sous le bras et ma famille avec moi, je suis venue en Chine chercher du travail. Le paradoxe est que par essence j’exerce des métiers réputés instables, précaires, mais dans mon cas trouver du travail s’est toujours produit de façon très naturelle, et sans stress.
L’architecture et la décoration sont des métiers de contact. C’est un de mes atouts. Je me sens à l’aise à peu près partout, je n’ai pas peur de parler aux gens que je ne connais pas. Et je n’attends rien d’eux, ce qui fait qu’ils me donnent beaucoup. Si vous faites bien votre travail et que vous avez un relationnel facile et efficace, on ne vous oublie pas. Or, en Chine, les débuts n’ont pas été faciles et mes recherches assidues n’ont commencé à porter leurs fruits qu’après quelques semaines. Les profils différents, multiples et senior comme le mien ont plus de difficultés à trouver leur place.
Je travaille chez Realys. C’est une agence franco-belge de « project management », spécialisée dans les bureaux et les usines. Ses activités m’ont permis de décrypter les procédés de construction en Chine, bien différents de chez nous. Ici, les agences d’architecture font le concept et les phases d’exécution sont conduites par les instituts locaux, les LDI qui ont le droit officiel de valider les plans pour les permis de construire variés et divers, pour le DCE ; par des bureaux de contrôle, par les entrepreneurs. Tous sont liés à l’état et travaillent ensemble. La construction est une chasse gardée où il est difficile d’avoir un regard, encore moins de contrôler et orienter. Les projets peuvent énormément se dénaturer entre le concept et la construction, d’où l’intérêt de travailler comme architecte dans une entreprise de « project management », qui fait la coordination de projet car on le suit du début jusqu’à la fin.
Sur des projets gigantesques, c’est vraiment difficile de tout maîtriser. Les Chinois produisent beaucoup de choses à la chaîne. L’architecture est aujourd’hui assez rudimentaire dans sa conception, sans trop de détails car la main d’oeuvre et les techniques de construction ne suivent pas toujours. Si le concept reste efficace, cela fonctionne assez bien. En revanche, lorsque le design devient plus complexe, les détails ne seront pas aboutis. Mais tout évolue très vite ici. Comme je vous l’ai dit, en 2005, il n’existait pas vraiment d’agences d’architecture d’intérieur. Maintenant, il y en a partout. Il paraît ainsi envisageable que les acteurs du monde de l’architecture et de la construction en Chine souhaitent enrichir et améliorer la qualité de la construction, des détails, et de fait la qualité de vie. Je souhaite y contribuer.
Ce serait idéal, mais je ne le pense pas. Je n’ai pas encore rencontré grand-monde du domaine artistique et culturel jusqu’à présent. L’industrie du cinéma est plutôt basée à Beijing ou Hong Kong et l’état gère les studios. Mais surtout l’activité freelance n’existe pas en Chine. Cela dit, en architecture d’intérieur, je pense que des opportunités restent envisageables pour moi ici. L’expérience m’a cependant appris qu’il ne faut rien forcer, tout arrive à point… et pour l’instant, je n’ai pas vraiment le temps d’y penser, car mes journées sont très chargées et le travail que je fais est très enrichissant.
Une nounou chinoise s’occupe de ma fille après l’école. Pour communiquer avec elle, je maîtrise une cinquantaine de mots et je dessine des petits croquis. Parfois nous rencontrons des malentendus liés à la langue, mais par l’humour on s’en sort toujours ! Ma fille s’adapte très bien à sa nouvelle vie. Elle parle déjà le français et le chinois. Elle est dans une école anglo/ chinoise et maitrise déjà bien le mandarin et l’anglais. Ici tous les enfants parlent couramment deux-trois langues. Je pense que cela sera un atout pour eux dans notre avenir mondialisé.
Ce qui est difficile lorsque l’on élève un enfant seule, c’est qu’il faut doublement anticiper les choses : ne pas prendre de risques inutiles, ne pas se précariser, en bref… assurer dans tous les domaines.
Je resterai bien en Chine, mais c’est difficile à dire pour l’instant. Le permis de travail est renouvelable tous les ans, et par conséquent, précaire. Je suis une enfant d’immigré. C’est un phénomène qui n’existe pas encore en Chine. Les étrangers ne s’installent que pour quelque temps et repartent. On verra. Peut-être serais-je une pionnière ?
La beauté des détails, les atmosphères…
Carlos Scarpa, Schindler, l’architecture Japonaise,… et tant d’autres
Une source d’observations et de découvertes permanente, un grand amusement et une pincée d’agacement.
A voir, l’avenir le dira. Je resterai bien en Chine, mais il est encore trop tôt pour l’affirmer.