À première vue, il semblerait que le parcours professionnel de Mme Xie Luo Haiying, architecte dplg, chef de projet chez Pietri Architectes, se distingue clairement de celui de son conjoint, M. Luo Bin, architecte dplg chez Christian de Portzamparc. Or, si chacun a su exploiter sa singularité c’est bien dans l’objectif de réaliser leur rêve commun : la fondation de leur agence d’architecture XL Création. Si cette structure est à l’image de leur union, elle semble bien partie pour durer.

Vous avez tous les deux effectué d’abord vos études d’architecture à l’université de Nankin ?

Xie Luo Haiying : Oui, tout à fait. Le département architecture de Nankin est plutôt réputé en Chine. J’ai opté pour cette voie juste avant mon baccalauréat, car ma mère avait acheté un appartement et j’avais trouvé très intéressant de découvrir comment un espace pouvait être transformé. Mes études se sont bien déroulées, et j’ai obtenu mon diplôme en 1999 comme Bin.

Luo Bin : J’avais hésité entre plusieurs options dont l’informatique, c’est pourquoi j’ai très vite intégré à l’école d’architecture le laboratoire CAT (Computer Architecture Team) qui nous formait à l’utilisation d’Autocad et de 3DMax. En 1993, la première année, nous n’étions que trois à suivre les cours et en deuxième année, douze. Le paradoxe maintenant c’est que dans ma pratique, j’ai tendance à privilégier les maquettes et le dessin. Je trouve que c’est souvent plus précis dans le rendu. Mais nous restons un couple de geeks ! Nous utilisons beaucoup l’informatique pour modéliser et montrer nos projets.

Vous avez également participé tous les deux à la bourse « 150 architectes chinois en France » organisée par l’Observatoire de l’Architecture de la Chine et soutenue par différentes institutions et organisations à l’instar des Ministères des Affaires Étrangères, de la Culture et de la Communication, de l’Équipement, de la Jeunesse, de l’Éducation Nationale et de la Recherche, du Conseil National de l’Ordre des Architectes, et de l’AFEX ?

Bin : C’est le cas en effet mais pas la même année. Après mon diplôme en 1999, j’ai travaillé quatre ans pour l’institut de recherche appliquée à l’architecture de Shenzhen, qui est en réalité une importante agence d’architecture publique, pour laquelle j’ai collaboré aux phases de conception et de réalisation d’une dizaine de projets. Je ne suis arrivé en France
à l’occasion de ce programme qu’en 2003.

Haiying : J’avais toujours eu dans l’idée qu’un jour, je suivrais des études à l’étranger. Je parlais déjà bien l’anglais et je m’étais mise au français pour acquérir une corde de plus à mon arc sans penser venir en France. Je voyais tous mes camarades de cours partir les uns après les autres, apparemment enchantés, et j’ai eu envie de les imiter. Cette bourse a été le tremplin idéal, car non seulement elle couvre l’intégralité des frais liés à une année d’études, mais des rencontres et des conférences sont aussi organisées. Je vivais à Lille cette année-là, et à la fin du programme, j’ai décidé de m’établir à Paris. Cela peut sembler paradoxal, mais c’était plus facile pour moi de m’y intégrer, et je me suis inscrite à l’école d’architecture Paris – La Villette.

Vous avez soutenu ensemble votre diplôme en 2006 ?

Haiying : Nous n’étions pas inscrits au même endroit, Bin était à l’école d’architecture de Paris – Malaquais, mais nous avons préparé et soutenu notre projet de diplôme en binôme. C’était à l’époque où avait eu lieu le concours de réaménagement du quartier des Halles à Paris. Pour résumer, on peut dire que deux approches ont émergé : l’une française dont les propositions étaient organisées autour d’un axe transversal, et la seconde hollandaise dont l’urbanisme souterrain s’élaborait autour d’un axe vertical. Nous avons synthétisé en quelque sorte ces deux approches dans notre projet de fin d’études. L’année d’après, nous l’avons présenté au Prix Cadet Tony Garnier et nous l’avons remporté.

Comme nombre de vos compatriotes, vous avez tout de suite travaillé en parallèle de vos études ?

Bin : Vous avez certainement remarqué qu’il nous faut à peu près une année pour trouver nos marques, et acquérir des bases linguistiques. Ce n’est qu’après que nous cherchons du travail. Nous en trouvons en général assez facilement car nous sommes opérationnels, car déjà diplômés en Chine, et souvent, bénéficiant d’un peu d’expérience professionnelle. J’ai débuté par un stage chez AREP. Puis, j’ai enchaîné par un CDD chez Portzamparc et quatre ans de CDI chez SCAU. Actuellement, je suis de retour chez Portzamparc depuis maintenant un peu plus d’un an. Je planche dur sur le projet du stade Arena à Nanterre. C’est assez stressant, car il y a beaucoup de travail, mais je n’ai pas à me plaindre, car le projet est complexe et c’est très intéressant.

Haiying : De 2002 à 2007, j’ai cumulé les stages et les CDD car je voulais acquérir une expérience professionnelle la plus diverse possible. Portzamparc excepté, je n’ai pas exercé mes compétences dans les mêmes agences que Bin. J’ai notamment travaillé chez Hubert & Roy, Frédéric Borel, Jean-Paul Viguier… En 2007, ma trajectoire professionnelle commence à se stabiliser. Je suis restée deux ans en tant que chef de projet chez Axel Schoenert où j’ai appris à coordonner toutes les phases des projets et plus particulièrement celles qui concernent l’éxécution. J’y ai aussi beaucoup appris en architecture d’intérieur. Depuis un an, je suis chef de projet chez Pietri Architectes, agence qui s’est fait connaître dans le logement. Je coordonne l’élaboration de deux projets : celle d’une tour appelée H99, de 28 000 m2 comprenant 149 logements de luxe à Marseille ainsi qu’un ensemble d’habitations comprenant 10 logements collectifs à R+3 et treize maisons individuelles à Lille. C’est passionnant mais très intense.

 

A suivre…