Holly Wadsworth, diplômée de la très prestigieuse Central Saint Martins, est la garante de l’esthétique de la marque Montblanc pour les vitrines du monde entier. Avec simplicité et humour, la jeune Britannique revient sur les étapes qui ont jalonné cette prometteuse trajectoire professionnelle.

Holly, vous avez grandi dans un pensionnat digne d’un livre d’Enid Blyton?

Je suis née et j’ai grandi dans la région de Manchester. Au lycée, j’étais effectivement dans un pensionnat pour jeunes filles qui m’a permis d’acquérir de très bonnes bases académiques dans de nombreuses matières et de pratiquer la voile. En revanche, les disciplines artistiques comme la peinture et le dessin y étaient enseignées de façon traditionnelle, et cela m’ennuyait un peu… Mon père est architecte et j’adorais réaliser des maquettes et des objets en trois dimensions. Cependant, je n’envisageais pas de marcher sur ses traces car son métier ne me semblait pas assez créatif ! Au début de sa carrière, il était salarié d’une agence pour laquelle il concevait et réalisait des hôpitaux, des centres commerciaux, des bureaux. Puis, il s’est établi à son compte. Sa clientèle est composée de particuliers qui aiment le voir dessiner ses croquis à main levée, et ça marche toujours bien pour lui.

Vous commencez par entreprendre des études d’économie à l’université d’Edimbourg?

Juste après mon bac, j’ai souhaité prendre une année sabbatique pour gagner un peu d’argent et voyager. J’ai travaillé comme réceptionniste dans un hôtel à Montgenèvre, une station de ski française. C’était très sympa. En septembre,  je suis retournée à l’université d’Edimbourg où j’ai commencé mes études d’économie. Au bout de trois mois, je me suis avouée que ce n’était pas du tout une matière adaptée à ce qui m’intéressait. Je suis alors retournée à Montgenèvre pour la saison d’hiver puis à Montpellier l’été où j’étais monitrice de voile. On m’avait parlé d’une école des Beaux-Arts publique à Monaco, et j’ai pensé que ce que ce serait une bonne idée d’y aller pour continuer à apprendre le français tout en préparant mon book car en Angleterre, on ne peut pas prétendre intégrer une école d’art sans un dossier un peu solide.

Comment s’est déroulée cette année à Monaco ?

C’était juste incroyable, complètement irréel. Le pavillon Bosio se trouve sur le Rocher face à la mer. Il y avait quarante élèves, des Français ou des Monégasques pour la plupart, j’étais la seule étrangère. Le matériel était dernier cri, même les tabourets étaient signés par Philippe Starck. De nombreux intervenants extérieurs animaient des workshops, dont pas mal de photographes et de céramistes. Et ces études ne coûtaient pratiquement rien ! Je n’aurais pas pu préparer mon book ailleurs dans d’aussi bonnes conditions. Je n’ai cependant pas souhaité y rester car je voulais entreprendre une formation en design, que j’ai suivie à Central Saint Martins.

Qu’est-ce qui vous plu à Central Saint Martins ?

J’ai beaucoup aimé les professeurs car ils étaient des professionnels reconnus. Très impliqués dans leur enseignement, ils exigeaient beaucoup de nous. Nous faisions beaucoup d’études de cas. Le lundi, un professeur pouvait nous demander de lui faire parvenir par la poste un œuf sans qu’il ne se casse. Nous avons aussi refait à l’identique le premier Ipod. C’était un vrai casse-tête ! C’est grâce à cet exercice que j’ai vraiment compris que le design le plus simple en apparence est en fait très compliqué à réaliser. Chaque année, des partenariats sont noués avec des entreprises. La première année, nous avons collaboré avec une société de contenants pour aliments en verre : des bouteilles, des pots de confiture,… Nous devions soumettre des propositions tangibles mais nous n’étions pas seulement évalués en fonction du résultat. Tout le processus que nous avions mis en place en amont – la qualité et la pertinence de nos recherches – était aussi noté. Lorsque l’on conçoit un projet, on soumet plusieurs propositions. Encore aujourd’hui, cela me semble impensable de ne proposer qu’une seule idée.

Comment avez-vous été repérée par LVMH?

Lorsque j’étais en troisième année, mon tuteur travaillait avec LVMH. Une fois par mois, le groupe organisait des réunions à Londres avec deux objectifs en tête: mener une réflexion sur le design des produits et former les cadres en marketing au management de créatifs. Un groupe de trente cadres était divisé en deux groupes. Un étudiant de Central Saint Martins prenait en charge la mode et un autre le design produit. J’ai participé à cinq de ces réunions. Les cadres avaient dix minutes pour nous briefer. Si une marque souhaitait par exemple concevoir un nouveau parfum, je devais imaginer un flacon qui tienne  compte de l’univers et des caractéristiques de la marque : contraste, élégance, épure, lignes fortes, années trente, Italie… Le second objectif consistait à établir un langage commun pouvant être compris de la même manière par chaque employé du groupe.  J’avais une nuit pour rendre le travail. C’était stressant mais stimulant aussi. Il faut dire que le mythe du créatif qui travaille la nuit et présente le matin ses projets les yeux cernés, fascine les cadres qui ont des horaires plus structurés. Cela m’a fait du bien de voir que mon travail avait été bien perçu. Dans le milieu des créatifs, à force d’être en vase clos, on doute tout le temps ! Juste après mon diplôme, j’ai travaillé pour LVMH à peu près six mois en freelance.