Un centre agricole dans un écrin de nature
La Zambezi River House est construite au bord du fleuve Zambèze qui délimite la frontière entre la Zambie et le Zimbabwe. La maison se situe…
Crédit & Images : ©Pierre Borghi
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un FabLab ? Fablab, de la contraction de Fabrication Laboratory, laboratoire de fabrication en français, est un lieu ouvert au public mettant à la disposition de ce dernier un arsenal de machines et d’outils utilisés pour la conception et la réalisation d’objets de toutes sortes. La population ciblée se démarque par la richesse de ses profils : on y trouve aussi bien des entrepreneurs qui souhaitent passer plus vite du concept au prototype que des designers/artistes, des étudiants désireux d’expérimenter et d’enrichir leurs connaissances pratiques en électronique ou en design que des citoyens retraités à l’âme de « bidouilleur ».
Du 6 au 10 mai 2015 s’est tenue la quatrième édition du FabLab Festival de Toulouse, durant laquelle plus de 5000 personnes sont venues (re)découvrir ces ateliers communautaires dédiés à la fabrication d’objets par des utlisateurs-créateurs de tous horizons.
Cet évènement a été l’occasion de réunir une cinquantaine de FabLabs français et internationaux, ce qui a notamment permis d’officialiser la création d’une Fédération nationale des FabLabs, ainsi que la mise en place des premiers organes de pilotage de cette structure.
Plusieurs tables rondes ont été organisées en ce sens. Il s’agit principalement de définir quel type de gouvernance, quels objectifs et quels moyens mettre en oeuvre afin de permettre aux FabLabs d’acquérir plus de poids d’un point de vue politique précise Sakada Ly, membre du Petit Fablab de Paris, un atelier de l’est parisien animé par des fabmanagers bénévoles. Cela faciliterait la création, le développement et la recherche de financement des FabLabs.
Le concept de FabLab est né à la fin des années 90 à l’université américaine du MIT (Massachusetts Institute of Technology), sous la forme d’un cours intitulé How to make (almost) everything, sous l’impulsion du professeur Neil Gershenfeld. L’objectif principal du cours était de démocratiser les processus de conception, de prototypage et de fabrication d’objets.
Pour ce cours, Gershenfeld s’est doté d’un ensemble de machines industrielles dernier-cri (numériques ou non) afin que les étudiants puissent créer leur propres objets, de l’idée initiale jusqu’à la réalisation physique. L’un des objectifs de cette expérimentation était de donner un accès public à cet équipement afin d’observer l’utilisation qui en serait faite au quotidien sans réelles contraintes académiques. C’est face à l’engouement des étudiants pour ce cours que Gershenfeld décide d’ouvrir le premier FabLab au sein-même du MIT, avec pour idée de « créer plutôt que consommer ». Rapidement, il décide d’exporter ce projet en dehors des murs de l’université, puis en dehors des frontières américaines.
Aujourd’hui, quand on veut répondre à la question « Qu’est-ce que Fablab ? », on doit avant tout parler d’international. les FabLabs – ou ateliers de fabrication numérique – sont présents partout et forment un réseau dont les membres doivent respecter certains codes.
Selon Les Cahiers de l’Innovation, pour porter l’appellation officielle FabLab, l’atelier doit nécessairement:
C’est notamment le cas du « FacLab », lieu ouvert à tous au sein de l’Université de Cergy-Pontoise, sur le site de Gennevilliers, qui met à disposition d’utilisateurs de toutes catégories les machines, l’infrastructure, et le soutien nécessaire à la réalisation de projets de toutes natures, qu’ils soient liés à la conception/fabrication d’un objet, à l’appropriation des nouvelles technologies, ou qu’ils s’inscrivent plus humblement dans une démarche d’apprentissage et de partage.
Qu’est-ce qu’un Fablab, ou en d’autres termes, comment sont équipés les ateliers ? Un FabLab type regroupe un ensemble de machines de niveau professionnel, mais largement diffusées et peu coûteuses. Voici quelques exemples des machines numériques qu’on retrouve généralement dans les ateliers :
On y trouve également des composants électroniques standards, ainsi que des outils de programmation associés à des microcontrôleurs ouverts comme Arduino, peu coûteux et performants, programmables à l’infini.
Ce type d’équipement est contrôlé par ordinateur à travers des interfaces accessibles à tous, ce qui constitue un atout de taille par rapport aux outils traditionnels.
Au-delà de l’intérêt technique que représente l’utilisation de machines numériques, le concept de FabLab participe à la réappropriation de la technologie par les utilisateurs. L’atelier naît et vit de l’intelligence collective, se nourrissant du partage de connaissances et de compétences techniques. Les utilisateurs novices sont accompagnés par des professionnels ou amateurs expérimentés, la plupart du temps bénévoles. Une fois formés, les élèves peuvent devenir à leur tour professeurs.
Le MIT a très bien compris les enjeux de ce vecteur d’innovation, et a basé l’ensemble du réseau Fab Lab sur l’open source. Peuvent ainsi s’échanger librement les valeurs fondatrices du monde technologique de demain.
Ainsi, l’ensemble des FabLabs se positionne comme un outil majeur de la démocratisation de la pensée DIY (de l’anglais Do It Yourself, « Faites-le vous-même »), concept devenu mouvement culturel et social d’envergure mondiale, qui cherche à se réapproprier les savoirs, les savoirs faire ainsi que les moyens de production. C’est aussi une nouvelle manière collaborative et durable de vivre et de penser la communauté en temps de crise. Cependant, si les FabLabs sont depuis toujours profondément ancrés dans la culture libre et collaborative, la diffusion du concept à travers le monde pousse ces ateliers à évoluer. Jusqu’à en oublier leurs racines?
Un rapport publié en 2014 par la direction générale des entreprises intitulé « Etat des lieux et typologie des ateliers de fabrication numérique » estimait que 46 % des ateliers sont portés par des associations, contre 24 % par des entreprises privées et 17 % par des universités. Si les puristes craignent que l’on s’éloigne du concept initial avec l’ouverture de FabLabs commerciaux, il semble évident que ces derniers se montrent particulièrement attractifs pour de très jeunes startups car ils permettent de réduire considérablement la durée et les coûts de développement conceptuel, prototype et mise au point du produit en vue d’un éventuel lancement sur le marché. Les jeunes pousses sont ainsi efficacement armées – à moindre frais – en vue de convaincre plus facilement d’éventuels investisseurs ou incubateurs de la valeur de leur projet.
Les « laboratoires de prototype privés », dont la philosophie relève plutôt de celle des TechShops américains, sont moins accessibles que les FabLab premiers du nom. Adoptant la plupart du temps un modèle payant (à la carte, ou sous forme d’abonnement), ils proposent néanmoins des services personnalisés de qualité professionnelle: encadrement à l’utilisation des machines à la demande des participants, accompagnement dans le développement des concepts et/ou business model ainsi que formation continue sur-mesure. C’est notamment le cas de Usine.IO à Paris, atelier privé financé par des « business angels » dont Xavier Niel et Jacques-Antoine Granjon, qui propose depuis octobre 2014 des machines et des conseils aux créateurs de start-up pour passer du prototype à l’industrialisation.
De plus en plus souvent, les labs sont intégrés à des espaces remplissant d’autres fonctions, comme des espaces de coworking : Volumes Coworking à Paris en est un parfait exemple.
Les structures privées peuvent également accueillir un lieu de rencontre entre plusieurs publics. Ainsi le Creative Space « Ici Montreuil », un espace de 1.700 m2 situé à Montreuil dans une ancienne usine, réunit autour de plusieurs ateliers (bois, métal… et FabLab) des artistes ou artisans chevronnés en résidence et des amateurs. Pour les professionnels, l’intégration d’un FabLab et la mise à disposition de machines numériques est un excellent moyen d’enrichir une pratique traditionnelle souvent en quête de nouveauté. D’autre part les amateurs ont accès à des formations leur permettant de découvrir différents métiers manuels, et de s’initier à une grande variété de techniques.
Très rapidement, le concept séduit le département R&D des grandes entreprises privées à la recherche d’innovation, qui à son tour s’interrogent et se demandent : qu’est-ce qu’un Fablab, en quoi pourront-ils me servir ?
Au-delà des bénéfices offerts par l’utilisation de machines numériques, les Labs réinventent la manière de travailler. On y crée de façon plus pratique, et surtout plus agile, loin des lourdeurs administratives internes. Et ce d’autant plus que l’atelier est ouvert sur le monde extérieur, comme cela peut être le cas dans le cadre de partenariats avec des universités ou des associations. Selon Ford, son personnel proposerait ainsi 30% d’innovations supplémentaires depuis le démarrage du Techshop.
En autorisant tous les salariés — et pas seulement aux ingénieurs R&D —à concevoir et réaliser, l’atelier devient un outil fédérateur et transgénérationnel, une manière motivante (et amusante) de révéler le potentiel créatif de chacun. Plus encore, il induit un management moins compartimenté dans sa hiérarchie, plus horizontal. Le droit à l’erreur qui règne en maitre dans les FabLabs permet aux salariés de laisser libre cours à leur créativité sans avoir peur du retour de bâton. Selon Antony Auffret, attaché de direction en charge de l’innovation et des TIC de l’association « Les Petits Débrouillards » et qui a participé à la naissance du FabLab de Brest « La Fabrique du Ponant », cet espace représente l’un des derniers endroits où les individus et les entreprises ont encore le droit d’explorer, de tâtonner, de se tromper quelque fois.
Loin du concept initial et de la charte du MIT qui impose l’ouverture des FabLabs au grand public, une dizaine d’ateliers d’entreprises (Renault, Airbus, Safran, Air Liquide, Alcatel-Lucent, Systra, Dassault Systèmes, Bouygues…) ont d’ores et déjà vu le jour. Avec pour objectif d’accélérer l’innovation en s’ouvrant aux start-up du numérique, ces industriels ont très rapidement compris l’intérêt que représente l’ouverture d’un atelier en interne ou l’association à un lab existant comme l’Électrolab de Nanterre, qui dispose de suffisamment de machines et d’une communauté assez développée pour travailler professionnellement sur des sujets d’innovations à la pointe de la technologie.
Peut-on considérer que les ateliers de fabrication numérique aient atteint leur maturité ? Rien n’est moins certain. Il est cependant incontestable que ces lieux de recherche, de création, de conception, d’exploration, d’expérimentation et de réalisation jouent un rôle essentiel dans le cadre d’une transition numérique pleinement amorcée, qui modifie en profondeur notre rapport à la société de consommation. Il est probable que leur développement soit en mesure de perturber voire bouleverser une partie des logiques d’offre et demande mises en place par l’économie industrielle et de marché des XIXe et XXe siècles. Dans ce cas, quel attitude adopter vis à vis à de sociétés privées et de grands industriels qui souhaitent s’approprier le concept? La réponse réside certainement dans la collaboration – avec prudence – avec ces nouveaux partenaires. Car l’un des atouts majeurs de ces ateliers du futur ne réside-t-elle pas dans la diversité d’origines et d’opinions de ceux qui les font vivre?
Dossier de presse du FabLab Festival (05/05/2015)