SAVE THE DATE : Vente aux enchères des Architectes de l’Urgence
La prochaine Vente aux enchères caritative de la Fondation des Architectes de l’Urgence aura lieu le 3 décembre prochain à 19h, à la Maison de…
Pour sa réouverture, le musée Jacquemart André fait le pari de la couleur avec une exposition consacrée à Paul Signac (1863-1935) et au néo-impressionnisme. C’est soixante dix oeuvres issues d’une collection privée que nous pouvons découvrir sur les cimaises du charmant musée parisien. Vingt-cinq toiles et une vingtaine d’aquarelles de Signac sont accompagnées d’oeuvres de ses contemporains: Georges Seurat, Camille Pissarro, Maximilen Luce, Théo Van Rysselberghe, Henri-Edmond Cross, Louis Hayet, Achille Laugé, Georges Lacombe ou encore Georges Lemmen.
Le parcours de l’exposition est chronologique et nous entraîne des premiers tableaux impressionnistes peints par Signac sous l’influence de Claude Monet, à des oeuvres quasi abstraites aux couleurs intenses de la fin de sa vie.
La première salle revient sur les premières oeuvres de Signac et les prémices du mouvement néo-impressionniste. En 1880, Signac a 17 ans, il visite la première exposition personnelle de Monet et est fasciné. C’est décidé, il deviendra peintre! Souhaitant s’inscrire dans la continuité de celui qu’il admire, il s’approprie la manière impressionniste. Ses premières oeuvres sont réalisées avec une touche vigoureuse et libre.
En 1884, Signac participe à la création de la Société des artistes indépendants qui souhaite organiser un salon annuel, sans jury ni récompense. C’est à cette occasion qu’il rencontre et se lie d’amitié avec Georges Seurat. Ensemble ils découvrent les travaux du chimiste Eugène Chevreul sur la perception des couleurs. C’est lors de l’hiver 1885-1886, que Seurat va appliquer ces principes en divisant la couleur et en l’apposant pure sur la toile, par petites touches. C’est l’oeil du spectateur qui réalise le mélange optique des couleurs lorsqu’il regarde la toile. A sa suite, Signac va expérimenter cette technique.
Seurat et Signac ont fait la connaissance de Camille Pissarro qui se laisse tenter lui aussi par la théorie de division des tons. Il leur permet d’exposer aux côtés des Impressionnistes en 1886. Si leurs toiles sont exposées en fin de parcours, elles attirent tous les regards. Le critique Félix Fénéon qualifie leurs oeuvres de néo-impressionnistes. La dénomination restera. La jeune génération adhère aux principes de Seurat et de Signac et le mouvement essaime.
La deuxième salle nous présente l’épanouissement du style chez Signac. C’est par des paysages du bord de Seine qu’il expérimente et maitrise son art. De sa formation impressionniste, Signac a conservé un goût pour la peinture en plein air. Cependant la technique néo-impressionniste ne permet pas de peindre sur le vif. En effet, pour s’assurer que les couleurs ne se mélangent pas sur la toile, il faut attendre qu’un pigment sèche avant d’apposer celui d’à-côté. Dans les études réalisées sur le vif, on remarque la touche vive et libre qui s’oppose aux compositions plus étudiées réalisées à l’atelier.
En 1892, Signac se rend à Saint-Tropez où il est ébloui par les couleurs et la lumière si différentes des teintes et contrastes auxquels l’ont habitués la Seine et le littoral breton. Pendant cinq ans, il explore les possibilités de la ville et de ses alentours. Sur ses toiles, on constate que la touche s’élargit et s’allonge pour donner plus de force à la couleur. Il étudie les relations entre la technique d’application employée et les couleurs apposées pour les faire vibrer au maximum de leur capacité.
En 1897, Signac quitte Saint-Tropez et traverse la France vers la Normandie. Il s’intéresse au Mont Saint-Michel; il réalise une série de toiles où on le voit jouer avec l’atmosphère de la baie et les délicates lumières.
Les trois salles suivantes sont consacrées au rôle de Signac en tant que chef de file. En effet, il prêche la bonne parole autour de lui et s’évertue à diffuser les théories néo impressionnistes. Le rôle qu’il occupe au Salon des indépendants lui permet d’exercer une influence sur la scène artistique parisienne. Il échange sur la division des tons et sur la théorie de contrastes des couleurs avec les peintres qui fréquentent le Salon. La première section rassemble la première génération de peintres néo-impressionnistes. Si Camille Pissarro compte parmi eux, il retournera à l’impressionnisme vers 1890, probablement sous la pression de son marchand, Paul Durand-Ruel. Ces artistes explorent les théories de Signac et Seurat et s’en affranchissent parfois. Ainsi Louis Hayet privilégie une gamme chromatique plus grise, Achille Laugé quant à lui, apporte une touche naïve par ses sujets et compositions.
La salle suivante aborde la diffusion des théories néo-impressionnistes. En mars 1897, Paul Signac achète au Salon des Indépendants, une oeuvre de Maximilien Luce. Cela marque le début de leur amitié. Les deux hommes ont des convictions anarchistes et échangent autant sur la politique que sur la division des tons. Luce peint des scènes de la vie quotidienne plus que des paysages. Lors d’un séjour en Belgique, il est fasciné par le travail dans les aciéries et réalise des toiles néo-impressionnistes sur des sujets sociaux non explorés jusqu’alors par les autres membres du groupe. Il se détache de la minutie caractéristique du style et libère sa touche, jusqu’à revenir à une facture plus traditionnelle.
Le Salon des Indépendants permet à des artistes étrangers, tels le Belge Georges Lemmen, de découvrir les toiles néo-impressionnistes. Il s’essaye un temps à ce style nouveau, qu’il aborde tout en délicatesse et en douceur avant de rejoindre les Nabis. C’est également le cas de Georges Lacombe qui s’il n’applique pas strictement les règles de division des tons s’intéresse aux théories néo-impressionnistes. Il en tire une connaissance fine de la couleur qu’il explorera dans ses toiles Nabis.
Enfin la section sur les artistes qui évoluent autour de Signac, se clôt dans une dernière salle, par une mise en avant des amitiés artistiques du peintre. Nous avons déjà évoqué Maximilien Luce avec qui Signac conservera une amitié indéfectible même lorsqu’il renonce à la touche néo-impressionniste. Henri Edmond Cross, qui fréquentait Signac et Seurat depuis 1884 et avait participé à la création du Salon des Artistes Indépendant, ne rejoint le mouvement qu’en 1891 seulement. Il en sera un des artistes marquants. Il part vivre dans le sud et c’est lui qui encouragera Signac à le rejoindre. Leurs échanges permettent à Signac d’affiner ses réflexions. Il les publiera en 1899, dans son essai, D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme. Cross exerce principalement dans le midi dont il tente de rendre la lumière sur la toile par de larges touches de couleurs pures.
Théo Van Rysselberghe permet à la Belgique de s’affirmer comme centre du néo impressionnisme. Il découvre les oeuvres de Signac au Salon des Indépendants en 1886. Il développe des compositions synthétiques, empruntant beaucoup au japonisme.
La salle suivante nous replonge dans l’oeuvre de Signac, et plus particulièrement sa production d’aquarelles. Il pratique l’aquarelle depuis ses années tropéziennes. Il s’agissait pour lui de réaliser des études sur le vif, de multiplier les prises de vues pour avoir de la matière pour peindre de retour à l’atelier. Il prend plaisir à la réalisation de ces oeuvres et varie les formats et les supports. Il peint sur des éventails, sur des feuilles de grands formats. Ces études sont des oeuvres abouties à ses yeux et non plus de la documentation pour une composition à l’huile. Il en exposera certaines. Il s’amuse à reproduire certains de ces tableaux à l’aquarelle et dresse ainsi une sorte d’inventaire de ses oeuvres en précisant la date, le titre et la localisation.
Au début du XXème siècle, Paul Signac est un peintre renommé et incontournable de la scène parisienne. Il multiplie les expositions personnelles dans des galeries. Il participe à des salons et présentations en Autriche, en Allemagne et en Belgique. Signac continue de chercher des nouveaux motifs. Séduit par Venise, il s’y rend en 1904 et 1908. Les oeuvres qu’il réalise d’après l’incontournable ville italienne, sont particulièrement colorées avec une palette qui ose une polychromie intense.
Dans la dernière salle de l’exposition, la couleur explose. Signac a découvert Turner en 1898, lors d’un séjour londonien. Ses oeuvres le confortent dans le désir de se détacher du motif pour laisser la couleur s’exprimer pleinement. Il teste deux procédés: soit il opte pour une couleur dominante, qu’il décline en nuances soit il privilégie une polychromie intense et audacieuse, sans lien avec la réalité.
La Première Guerre Mondiale arrêtera brutalement les expérimentations de Signac. Pacifiste convaincu, il est meurtri par ce conflit et ne peint plus. Il reprend ses pinceaux vers 1919: souvent sur la route, il parcourt la France à la recherche de nouveaux motifs, encore et toujours. L’aquarelle est plus que jamais prédominante dans son oeuvre. A la même époque, il explore le noir et blanc dans de grands lavis d’encre de Chine, croquis préparatoires à des toiles.
Les oeuvres graphiques prennent de plus en plus d’importance dans sa production. Si les aquarelles préparatoires prises sur le motif sont un exercice qu’il plébiscite depuis de nombreuses années et particulièrement depuis 1892, à la fin de sa vie, il se tourne de plus en plus facilement vers cette technique. Ainsi pour un de ses derniers grands projets, c’est l’aquarelle qui sera le médium. Signac souhaite réaliser une série consacrée aux Ports de France pour présenter la richesse et la diversité des ports du territoire: de pêche, de plaisance, de commerce, d’exports, industriels ou encore militaires etc. C’est un vrai reportage qu’il mène, mécéné par son ami, Gaston Lévy, le fondateur de l’actuelle enseigne de magasins Monoprix. De 1929 à 1931, Signac parcourt la France et réalise à chacune de ses étapes, deux aquarelles: une pour lui et une pour son mécène.
En 1922 est publiée la première monographie consacrée à Signac; en 1926, il organise une exposition intitulée Trente ans d’art indépendant qui met en exergue le rôle tenu par la Société des artistes indépendants. Il décède en 1935, à 72 ans. Il aura marqué des générations d’artistes dans l’exploration de la couleur, des Fauves aux pionniers de l’abstraction ou encore les Futuristes..
Cette visite au coeur du néo-impressionnisme est fort plaisante, avec Signac comme guide. Il aurait été intéressant d’avoir plus de précisions sur la théorie de la couleur de Chevreul et sur son impact sur toute la création de la fin du XIXème siècle et donc sur celle du siècle suivant. De plus si Signac est le théoricien et chef de file du néo-impressionnisme, il était également un anarchiste très investi, comme ses amis du groupe. Il est dommage de présenter les Néo-impressionnistes et l’importance de leurs liens en survolant leurs idées politiques et leur engagement. Cependant il est certain que les salles du charmant hôtel particulier du musée Jacquemart-André ne sont pas extensibles.
Au fil des salles, on voit Signac expérimenter les possibilités de la couleur et la libérer de toutes contraintes. On le voit se détacher des théories de Seurat et placer la couleur au coeur de tout en intensifiant les tonalités de sa palette. L’exposition est riche et pourtant elle est construite seulement autour des œuvres d’un collectionneur qui a souhaité rester anonyme. Cet événement est donc une rare occasion de voir des oeuvres jamais ou peu montrées.
Signac, les harmonies colorées au musée Jacquemart-André jusqu’au 19 juillet
Liste des oeuvres:
1) Saint-Tropez, Fontaine des lices, 1895
2) Saint-Briac, le Béchet, 1885
3) Palette aux Tuileries, 1882
4) Application du cercle chromatique de M. Charles Henry, 1888
5) Avant du Tub, 1888
6) Samois, Etude n°11, 1899
7) Samois, Etude n°6, 1899
8) Soleil couchant sur la ville, 1892
9) Etude pour au temps d’Harmonie, 1894
10) Mont Saint Michel, 1897
11) La Briqueterie Delafolie à Eragny, Camille Pissarro, 1886
12) Le Troupeau de moutons à Eragny, Camille Pissarro, 1888
13) Au café, Louis Hayet, 1887
14) L’Arbre en fleur, Achille Laugé, 1893
15) Le café, Maximilien Luce, 1892
16) L’Aciérie, Maximilien Luce, 1899
17) Baie de Saint-Jean-de-Luz, Georges Lacombe, 1902
18) Paysage avec le Cap Nègre, Henri Edmond Cross, 1906
19) La mer clapotante, Henri Edmond Cross, 1905 20) Saint Tropez, La route du cimetière, Maximilien Luce, 1892 21) Le Moulin du Kalf, Théo Van Rysselberghe, 1894 22) Canal en Flandre, Théo Van Rysselberghe, 1894 23) Antibes, 1910
24) Avignon, 1909
25) Les cyprès de Sainte Anne, 1905
26) Arc en ciel, Venise, 1905
27) Avignon, matin, 1909
28) Marseille, 1906
29) Juan les Pins, le soir, 1914
30) Juan les Pins le soir, 1914
31) Paimpol, 1929
32) Nice, 1931
33) Sainte Anne, 1905
34) Antibes, matin, 1903
35) Les Andelys, soleil couchant, 1886
36) Concarneau, Calme du soir, 1891
37) Saint Briac, les balises, 1890
Article rédigé par Amélie Hautemaniere – Photos de l’auteur.
Suivez notre compte Instagram « myarchibat » pour découvrir de nouvelles expériences artistiques et architecturales !