Durant la semaine du design de Pékin, un designer s’est illustré via l’une de ses créations.

Daan Roosegaarde, hollandais originaire de Rotterdam, a construit avec une équipe de designers et d’experts une structure de 7 mètres de haut se révélant être le plus grand purificateur d’air au monde. Ce sont plus de 30.000 mètres cubes d’air qui sont nettoyés chaque heure par le biais d’une électricité ‘’verte’’ ainsi qu’une technologie s’appuyant sur des ions sans ozone. Cette tour capture plus de 75% des particules du ‘’Smog’’ dans l’air pour ensuite le purifier. Via les particules recueillies, une ligne de bijoux “ Free Smog”  a été créée afin de laisser un souvenir tangible de ce projet.

Exposé à 751 D-parc à Pékin, cette étape n’est que la première d’une longue tournée qui s’effectuera dans d’autres grandes villes chinoise cette année. L’idée de Daan Roosegaarde est d’étendre cette initiative afin de prouver qu’il est possible de faire bouger les choses.

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Comment le projet “ Free Smog “ a évolué depuis Rotterdam ?

C’est en recherchant une chambre sur Pékin que l’idée m’est venue il y a 3 ans. C’est dingue à quel point la ville a été transformée par la pollution. Il était donc logique que le premier endroit où est exposé le projet soit Pékin car c’est l’une des villes les plus polluées au monde. Cette tentative pour sensibiliser les politiques fonctionne puisque j’ai reçu un soutien de la part du gouvernement central de la Chine. Plus qu’une œuvre d’art, c’est un engagement environnemental.  L’idée est également de faire de plus grandes tours, de faire une tournée à travers les différentes villes de Chine. Nous tenons aussi a investir M WOODS, un grand musée afin d’inviter de jeunes designers, artistes, ingénieurs du monde entier et leur permettre d’exposer leurs idées pour combattre ces nuages de pollution.

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Je reçois de nombreux appels ou mails de personnes qui ont effectivement des idées pour lutter contre ce smog. Plusieurs ont retenu mon attention, notamment un gars qui souhaite mettre au point des motos/scooters qui aspirent l’air pollué et l’air propre afin de ne relâcher que l’air propre et de conserver l’air pollué. Il y a des gens qui ont fait des vêtements qui changent de couleur lorsque le niveau de pollution est trop élevé. C’est dingue parce que nous avons vraiment l’impression d’avoir lancé une sorte de mouvement, d’avoir éveillé des consciences.

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Par rapport à sa première exposition à Rotterdam, que pensez-vous de l’impact de cette œuvre ?

Je pense que ce projet a été bien accueilli car il s’avère être une véritable solution locale pour les parcs. Faire que les parcs et les terrains de jeux soient 75% plus propres que le reste de la ville est assez attractif. Par exemple, ces deux derniers jours, l’air était vraiment surchargé, vraiment pollué. Et dès lors que l’on foule le cercle du Smog Free, on sent une réelle différence. On respire !

C’est également devenu une source d’inspiration pour des ONG. Ce projet a donné envie aux gens de reproduire ce concept un peu partout dans la ville afin d’éradiquer le nuage de pollution. Pour la petite histoire, on arrive à produire de beaux bijoux issus de ces particules nocives. Sachez qu’il y a plusieurs centaines de couples sur le point de se marier qui souhaitent acheter une bague issue du Free Smog. Sûrement parce que l’air pur représente un produit de luxe désormais.

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Il doit être assez galvanisant de présenter un projet dans une ville telle que Pékin, vu que c’est ici que vous y avez puisé votre inspiration ?

Après le premier jour où le projet est sorti de Terre à Pékin, j’étais incapable de dormir plus de 30 minutes par nuit. Au début les gens disaient que c’était impossible ou que je n’avais pas le droit de faire ce genre de choses. Mais maintenant, et j’en suis fier, les gens disent que c’est une bonne idée qui aurait dû être mise en place bien avant.

Quelle a été la partie la plus compliquée à mettre en place pour ce projet ?

Notre objectif était d’avoir un réel impact sur nos contemporains. Le rêve d’un monde où l’air pur est accessible à tous. Comment atteindre ce but ? Cela passe par les gouvernements, les règlementations en vigueur selon les différentes technologies et ce n’est pas toujours évident de composer avec les législations ainsi qu’avec les politiques. Néanmoins, la partie la plus compliquée au final ne résidait pas dans sa construction mais dans l’image que les gens percevraient de cette œuvre. Si elle avait été considérée comme un gadget, clairement, cela aurait été un échec.

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Qu’est-ce que cela fait de voir toute cette évolution ? Depuis le petit projet sur Kickstarter jusqu’à sa sortie en Asie ?

Honnêtement, je suis fier de ce que j’ai accompli. Pour moi, le Design ce n’est pas juste faire une nouvelle chaise sensationnelle, ou une table ou une lampe. C’est surtout pouvoir améliorer la vie des gens et voir que nos projets ont une réelle incidence sur leur bien-être. L’accomplissement du Smog Free à Beijing, c’est à la fois la fin d’un chapitre et le commencement d’un nouveau. On vous tiendra au courant de la quantité de nuages pollués que nous avons emmagasiné.

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Ces autres villes où le Free Smog sera présent, quelles sont-elles ?

Nous recevons beaucoup de demandes. Nous avons des idées pour chacune de ces demandes mais cela nous prend du temps de répondre. La province de Hebei est polluée massivement, elle sera sur notre liste c’est déjà décidé. Shenzhen est également prévue pour accueillir l’œuvre tout comme Shanghai car ce sont des villes qui ont grandement besoin de prendre un peu l’air. Il y a des délégations qui sont venues pour assister aux résultats en direct, pour voir ce que la Tour peut faire. C’est cool de voir ça, d’avoir mis un coup de pied dans la fourmilière parce qu’en réalité, l’air n’a pas de prix.

Les gens ici m’ont surnommé le combattant hollandais de la pollution. Au début, ils étaient un peu réticents, comme si mon projet n’était pas sérieux, juste là pour faire du buzz. Ils n’aimaient pas le fait que leur ville soit associée à la pollution. Mais dès lors qu’ils ont vu la portée bénéfique de ce projet, cela m’a ouvert certaines portes. J’ai notamment pu m’entretenir avec l’université de Tsinghua, à Pékin. C’est surtout l’envie de mener un projet tous ensemble afin d’améliorer notre qualité de vie qui nous motivent. Voyons simplement où tout cela nous mène. J’ai l’impression d’être un hippie avec un business plan !

Est-ce qu’après ce tour de Chine, vous voyez un autre endroit où la Tour pourrait être un succès, ou du moins être utile ?

Oui carrément. En Inde nous avons pas mal de bons retours, tout comme Mexico. Je suis sur le point de rentrer à Londres pour 3 semaines puis à Rotterdam ensuite et ce que je vois c’est que même ces grandes villes européennes ont des problèmes de pollution. Pékin a été une sorte de laboratoire grandeur nature au vu de sa pollution, et j’espère que les enseignements que nous aurons tiré de cette expérience chinoise nous fera grandir, nous permettra d’améliorer le concept. Espérons également que nous ayons la chance de collaborer avec de nouveaux designers, de nouvelles technologies pour que d’ici 10 à 15 ans, créer des grandes villes ne soit plus aussi polluants. Comme ça, lorsque mes petits-enfants me diront “ Hey Papy, qu’est-ce que tu as fait dans ta vie “ je pourrais leur répondre que je suis le type qui a créé les tours anti-pollution, et qu’ils me répondent : “ Mais… C’est quoi la pollution ? “

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Vous imaginez donc que des tours anti-pollution pourraient éclore un peu par partout à travers le monde ?

Oui mais avec des variations bien entendu. Comme ce concept de moto qui aspire la pollution. On est déjà en train de bosser avec des architectes sur des infrastructures plus larges, de voir comment les tuyaux d’égouts dans les villes pourraient aspirer cette pollution et nettoyer l’air. C’est super motivant car le champ des possibles ne fait que s’élargir. Cela pourrait vraiment rebattre les cartes de cette lutte contre la pollution.

En plus, avoir de bonnes relations avec les mairies, les différentes industries, permet de mettre en avant des jeunes artistes qui sont parfois un peu trop focus sur leurs idées, cela leur permet de prendre un peu plus de hauteur et de voir que si un projet est bien présenté, il peut réellement prendre vie et bénéficier de soutien. En fait, nous agissons aussi bien en terme de prévention que de communication. Le rêve de l’air pur, c’est un rêve que l’on partage tous en fin de compte.