Indépendamment des règles de distanciation sociales en vigueur dans les différents pays, il existe une problématique commune à tous les citoyens : les trottoirs ne sont pas suffisamment larges pour que les piétons puissent appliquer correctement les règles sanitaires. À Toronto, l’entreprise d’analyse Ratio City a créé une carte montrant que plus des deux tiers des trottoirs de la ville faisaient moins de 2,5 mètres de largeur.

De plus, une enquête menée par l’agence d’architecture danoise Gehl, sur 68 pays, constate que plus d’un quart des répondants trouvent les trottoirs trop encombrés. En réponse, les élus politiques de certaines des villes les plus peuplées du monde ont élargi les trottoirs, pour que les passants puissent circuler en toute sécurité. À Londres, le plan Streetspace du maire Sadiq Khan a permis d’étendre temporairement les trottoirs dans de nombreuses zones à forte circulation. La même mesure est mise en place à Milan, à Washington, à Bogota, à Toronto et dans des centaines d’autres régions urbaines.

Cette situation est également l’occasion de repenser entièrement l’espace public. L’équipe de conception urbaine Foster + Partners soutient que « même si certaines des mesures d’urgence seront réduites à mesure que les courbes du virus vont chuter, d’autres resteront en place dans un avenir prévisible ». Par conséquent, les designers estiment que « nous devons tirer parti de cette crise pour apporter des changements positifs dans les villes. »

Du mobilier urbain pour tous

Tout d’abord, il s’agit d’évaluer à nouveau le rôle et la qualité des équipements de rue, principalement le mobilier urbain. Le projet Inside Out, initié l’an dernier par le designer parisien Robert Stadler, répondait à une utilisation actuelle de l’espace public. La série de quatre modules jaunes abritant à la fois des espaces de repos et des tables en bois valorisent les situations de rencontres quotidiennes et développent la vie sociale en plein air.

Le projet Walala Lounge de Camille Walala pour le London Design Festival en 2019, semblait également anticiper notre besoin de démocratiser le paysage urbain. L’installation se compose d’une dizaine de bancs aux couleurs vives, formant une sorte de salon urbain en plein air dans l’une des rues commerçantes les plus prestigieuses de Londres.

Placottoir : rendre la rue aux piétons

Mais les réponses les plus directes à la pandémie viennent du cabinet d’architecture Arup, qui a développé une série de « parklets », autrement dit placottoirs (un prolongement du trottoir) dans le cadre du programme Liverpool Without Walls. Ce système modulaire est constitué de sièges hybrides associés à des petites cloisons séparatives en Perspex et plantations, qui permettent de définir des espaces de repos ou de restauration le long de certaines rues commerciales fréquentées. « Nous espérons que ces placottoirs feront partie intégrante du tissu urbain et qu’ils continueront à offrir des avantages à long terme, pour que les piétons puissent se réapproprier ces espaces » a déclaré un représentant d’Arup.

L’un des principaux objectifs de ce concept de parklet est d’aider les commerces, bars, restaurants, à accueillir les passants sur de plus grands espaces extérieurs. Parallèlement aux projets d’élargissement de la chaussée, de nombreuses municipalités ont assoupli les lois pour permettre aux bars et aux restaurants d’occuper les trottoirs ou une partie de la chaussée. La première ville à passer à l’action a été la capitale lithuanienne Vilnius qui a ouvert 18 espaces publics en plein air pour les cafés et restaurants. Londres a emboîté le pas, ainsi que San Francisco ou encore Las Vegas.

Des modules qui s’adaptent

New-York, à l’inverse, est une ville qui n’est pas orientée sur la restauration de plein air. L’architecte David Rockwell reconnaît qu’il est difficile pour les restaurants de s’étendre dans les rues de la ville, qui sont principalement conçues pour les voitures. Il fallait alors trouver une solution à la fois pratique et accueillante pour les clients. Il a donc créé un plan fondé sur un ensemble de pièces pouvant être adaptées à une variété de scénarios, aussi bien fonctionnels qu’esthétiques (box pour manger, sanitaires, jardinières, unités d’éclairage…)

« Nous voulions utiliser des conceptions et des matériaux pouvant être adaptés pour refléter la diversité des paysages de la ville » déclare l’architecte. « Pour le moment, il n’existe pas de solution simple aux défis auxquels font face les restaurants ici. Mais il est clair que nous devons repenser notre façon d’utiliser les espaces publics extérieurs. »