Des fleurs en métal expriment la relation entre humanité et nature
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Le Musée Guimet met en valeur ses collections d’estampes dans une petite exposition autour du mont Fuji et des paysages enneigés.
Le mont Fuji est un des symboles du Japon. Il a d’ailleurs été inscrit en 2013 sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco en tant que «lieu sacré et source d’inspiration artistique ». La montagne forme un triangle parfait qui culmine à 3776 mètres. Visible depuis de nombreux endroits de l’île de Honshu, il se découpe franchement sur le ciel japonais.
Pour les shintoïstes, le mont Fuji est un Kami, une entité divinisée; il est également un lieu bouddhique important, un défi pour les promeneurs et une source d’inspiration pour les artistes. En devenant un motif artistique, il va donner lieu aux premières représentations des variations climatiques dans des séries, en mettant en scène le changement de la lumière depuis un même point de vue. Il sera également un des premiers sujets des photographies japonaises à la fin du XIXème siècle.
Le parcours de l’exposition est thématique, mais il peut se voir comme une promenade. Il nous entraîne à la découverte du mont, il nous fait gravir le sommet et bifurquer sur les sentiers enneigés. La première partie nous présente le protagoniste principal, le Fujisan. Les plus anciennes mentions du caractère sacré de la montagne remontent au moins au VIIème siècle. Pour la religion ancestrale du Japon, le shintoïme, il renferme en son sein l’élixir d’immortalité.
Celui-ci s’échappe d’ailleurs de temps en temps sous la forme d’un panache de fumée blanche. Ses flancs sont peuplés de divinités. Dans le bouddhisme, le rapprochement est fait entre la forme du mont et celle d’un lotus à huit pétales. De nombreux sanctuaires ont été érigés sur les chemins qui mènent au sommet, ce qui fait que le mont Fuji est un important lieu de pèlerinage. Les femmes y étaient interdites d’accès jusqu’à la fin du XIXème siècle. Cette importance du site dans les deux religions prédominantes au Japon, et la perfection des formes de la montagne en ont fait un motif incontournable pour les artistes.
La seconde partie nous présente un rapide aperçu de l’évolution de la situation politique et de la société japonaise aux périodes qui nous intéressent soit de l’ère d’Edo (1603-1868) au début du XXème siècle. L’ère d’Edo marque la fin des guerres féodales, et voit ainsi une période de stabilité s’installer au Japon. Les shogun font d’Edo, future Tokyo, leur capitale, tandis que l’Empereur est à Kyoto. Les marchands prospèrent, la société urbaine prend son essor. De nouveaux loisirs tels que le théâtre Kabuki apparaissent et la fréquentation des « quartiers de plaisir » deviennent à la mode. Les arts prennent de l’ampleur, notamment les estampes qui occupent une place de plus en plus importante.
Cependant dans la première moitié du XIXème siècle, les shogoun perdent le pouvoir à cause de difficultés économiques et d’une volonté forte de s’ouvrir à l’Occident. La période qui suit est marquée par une modernisation sous contraintes. En 1868, l’empire est rétabli avec l’ère Meiji. Il y a alors une volonté forte de déterminer une identité nationale, de construire une puissance militaire et d’accélérer le développement économique.
Après ce rapide survol de plus de trois siècles d’histoire japonaise, le parcours nous fait revenir au vif du sujet en s’intéressant à la représentation du mont Fuji. Si celui-ci est, comme nous l’avons déjà vu, un motif à part entière, il est également une image d’arrière-plan. La montagne est tellement omniprésente sur l’île de Honshu et la route du Tokaido qu’il n’est pas rare d’apercevoir cette silhouette parfaitement identifiable derrière la scène principale. Au-delà de permettre une localisation de l’oeuvre, la représentation du mont Fuji apporte au sujet représenté une approche symbolique. Les artistes s’amusent de ce motif si incontournable, en jouant avec des miroirs, ou en le faisant figurer sur un panneau décoratif, un kimono, une pièce de céramique représentés dans l’estampe.
La partie suivante fait le lien entre les deux axes de cette exposition, la représentation du mont Fuji et celle des paysages enneigés, puisqu’elle nous entraîne sur les chemins d’hiver.
Gravir les pentes recouvertes de neiges éternelles est un pèlerinage qui se pare d’une dimension initiatique et spirituelle. Arrivés au niveau du cratère, les pèlerins faisaient le tour des points élevés, selon un rite appelé ohachimeguri, ce que signifie « tourner autour du bol ». Les estampes se plaisent à représenter les hommes affrontant les forces de la nature. Ils apparaissent souvent perdus au milieu d’un paysage enneigé, confrontés aux rigueurs de l’hiver. Le sujet est soit réaliste, puisque ce voyage était une vraie expédition, dangereuse et éprouvante, soit littéraire ou religieux. L’estampe met alors en scène un héros ou un moine triomphant d’une épreuve.
La section qui suit nous démontre à quel point la représentation de la neige en estampe est une prouesse technique et artistique. Il s’agit de proposer toute une variation de blancs, de réussir à représenter l’aspect silencieux de la neige et sa capacité à absorber les bruits. Les grands maîtres de l’estampe adoptent pour ce faire différentes techniques. Ainsi Hiroshige préfèrera laisser le blanc du papier apparaître. D’autres utiliseront des paillettes de mica ou gaufreront les zones avec une planche non encrée pour donner un effet de relief raffiné.
Enfin pour conclure, l’exposition s’intéresse à la représentation de la neige chez les artistes modernes. L’apparition de la photographie sous l’ère Meiji a favorisé une tendance à l’économie de la palette chromatique. La neige souligne les mutations du monde moderne.
Les premiers éclairages au gaz se réverbèrent sur la neige, une sorte de mélancolie s’empare des paysages ensevelis où les installations industrielles surgissent dans une économie de forme. Kiyochika, élève d’Hiroshige, mêle les techniques de l’estampe et de l’aquarelle, renonçant au cerne noir entourant les figures. Cela permet à la génération suivante de réduire au maximum les moyens mis en oeuvre pour atteindre un synthétisme des formes.
Soixante-dix estampes sont réunies dans ce parcours au potentiel poétique fort. Quelques photos, objets en porcelaine et oeuvres contemporaines complètent la sélection d’oeuvres.
C’est l’occasion d’admirer des oeuvres iconiques telles que quelques-une des célèbres Trente-Six vues du mont Fuji réalisées par Hokusai entre 1829 et 1836, mais aussi de découvrir des oeuvres moins connues mais tout autant attachantes.
L’aspect technique est souvent souligné. Un encart dédié détaille d’ailleurs la méthode de l’estampe et régulièrement les textes de salle attirent notre oeil sur une prouesse particulière ou une utilisation spécifique des plaques d’encrage.
Il est intéressant de découvrir le mont Fuji non seulement pour sa place dans la géographie et l’imaginaire japonais, mais aussi pour son importance religieuse, symbolique et également artistique. Les séries et déclinaisons avec le mont Fuji en fond ont été le prétexte à des études de variations climatiques. Les représentations de paysages uniformément recouvert de neige ont permis d’expérimenter le décalage du sujet dans la composition, reléguant l’action dans un coin de l’oeuvre pour laisser toute la place au paysage. Ces deux idées seront reprises par les Impressionnistes, grands amateurs d’estampes japonaises.
Il faut noter enfin que le mont Fuji et sa géométrie très particulière poussent les artistes à simplifier leur composition pour laisser de la place à cet imposant triangle. Il en résulte des oeuvres à la modernité et à la puissance singulières.
Le mont Fuji est partout dans l’art japonais: sujet principal de l’oeuvre, en arrière plan ou encore en motif décoratif. Il est certain que l’exposition ne pouvait pas nous proposer un inventaire exhaustif des représentations du mont Fuji dans l’histoire de l’art. Mais ce parcours qui se vit comme une promenade est extrêmement plaisant.
Fuji, pays de neige, au musée national des arts asiatiques – Guimet jusqu’au 12 octobre.
Liste des oeuvres:
1) Pèlerin devant le mont Fuji, Série des cerisiers pour le cercle de Katsushika, Yahima Gatukei, 1823
2) Le mont Fuji, Totoya Hokkei, fin du XVIIIème siècle
3) Paysage avec érables en automne, Série des Trente-six vues du mont Fuji, Utagawa Hiroshige, 1858
4) Hara, Utagawa Hiroshige, 1850
5) La déesse du mont Fuji, Konohana sakuya hime, XVIIème siècle
6) Femmes riant, Kitagawa Utamaro, 1798
7) Le pavillon Sazai, temple des Cinq cents rakan, Série des Trente-six vues du mont Fuji, Katsushika Hokusai, 1830
8) Rizières d’Ono dans la province de Suruga, Série des Trente-six vues du mont Fuji, Katsushika Hokusai, 1830
9) Vue d’Ushibori dans la province de Hitachi, Série des Trente-six vues du mont Fuji, Katsushika Hokusai, 1830
10) Les premiers jours de printemps, Série des Gloires des douze mois, Isoda Koryusai, début de l’ère d’Anei
11) Oi, Série des soixante-neuf relais du Kisokaido, Utagawa Hiroshige, 1834
12) Chasseurs auprès du feu dans la montagne, Série des Cent poèmes racontées par la nourrice, Katsushika Hokusai, 1835
13) Le moine Nichiren marchant dans un paysage enneigé, Série des Illustrations de moines célèbres, Utagawa Kuniyoshi, 1835
14) Les champs de Susaki à Fukagawa, Série des Cent vues des lieux célèbres d’Edo, Utagawa Hiroshige, 1850
15) Le sanctuaire de Gion sous la neige, Série des lieux célèbres de Kyoto, Utagawa Hiroshige, 1837
16) Ochanomizu, Série des Cent vues des lieux célèbres d’Edo, Utagawa Hiroshige, 1853
17) Le pont d’Imado et la colline de Matsuchi, Série des Trente-six vues de la capitale de l’est, Utagawa Hiroshige, 1859
18) Eclaireurs japonais dans la forêt, série des Episodes de la guerre sino-japonaise, Kobayashi Kiyochika, 1895
19) Sanctuaire de Benten à Ikenohata, Série des vues de Tokyo, Kobayashi Kiyochika, 1880
20) Neige à Shiobara, Kawasa Hasui, 1946
21) Neige à Sekiguchi, Kawasa Hasui, 1932
22) Le quartier des charpentiers à Fukagawa, Série des Cent vues des lieux célèbres d’Edo, Utagawa Hiroshige, 1856
23) Kiba à Fukagawa, série des cent vues célèbres de la province de Musahi, Kobayashi Kiyochika, 1884
24) Champs de la plaine d’Otsuki, Série des Trente-six vues du mont Fuji, Utagawa Hiroshige, 1858
25) Soir de neige à Terajima, Kawasa Hasui, 1920
Cover : Vent frais par matin clair, Série des Trente-six vues du mont Fuji, Katsushika Hokusai, 1830
Article rédigé par Amélie Hautemaniere – Photos de l’auteur.
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