Des fleurs en métal expriment la relation entre humanité et nature
L’exposition « Zadok Ben-David : réserve naturelle » se déroule dans les jardins de Kew au Royaume-Uni jusqu’au 24 avril. Elle explore la fragilité croissante de la nature…
Avec « Le monde nouveau de Charlotte Perriand », la Fondation Vuitton met en scène une importante rétrospective consacrée à l’architecte et designer française. Organisée à l’occasion des vingt ans de sa disparition, cette exposition nous fait découvrir une femme passionnée et engagée, et nous permet de poser un regard neuf sur ses œuvres en les faisant dialoguer avec celles de ses contemporains.
En effet, l’exposition a été conçue comme une mise en perspective de l’œuvre de Charlotte Perriand avec celle de vingt-et-un autres artistes, amis ou pairs. Ainsi sur les 400 œuvres présentées, près de 200 sont de Perriand.
La diversité et la complémentarité des supports et médias est également un principe fondamental pour Charlotte Perriand qui parle de « synthèse des arts » et qui est repris tout au long de cette présentation. Mobiliers, céramiques, peintures, maquettes, photographies, plans et croquis, tapisseries, photo-collages, sont exposés ensemble, sans hiérarchie mais en insistant sur leur complémentarité.
Le parcours est chronologique, des années 20 à la toute fin du XXème siècle. Il se déploie sur l’intégralité des quatre niveaux de la Fondation, en dix étapes.
Il débute lorsque Charlotte Perriand, tout juste diplômée de l’Union Centrale des Arts Décoratifs, aménage son studio, déjà de façon astucieuse et audacieuse ; elle attire ainsi l’attention du Corbusier et de Pierre Jeanneret dont elle rejoint l’atelier. Elle expose avec eux, au Salon d’Automne 1929, un appartement modèle, véritable manifeste de la modernité, basé sur un plan libre qui remet en cause l’organisation de « l’appartement bourgeois » et qui présente un mobilier en métal et en cuir reposant sur une articulation en tube. La modernité de la technique et les possibilités industrielles s’allient à une prise en considération attentive de l’homme et de ses besoins.
En 1929, elle participe à la fondation de l’Union des Artistes Modernes aux côtés de Robert Mallet-Stevens, Eileen Gray ou encore Jean Prouvé. Ils réclament un art social et accessible.
Charlotte Perriand est une femme de conviction, une artiste engagée et impliquée dans les combats de son époque. Elle défend également l’Espagne républicaine, s’engage pour le Front Populaire. Elle suit de près les nouvelles thèses de l’urbanisme et les possibilités de renouveau social qu’elles promettent.
Par ailleurs, Charlotte Perriand, ainsi que Le Corbusier, Pierre Jeanneret ou encore Fernand Léger développent un intérêt marqué pour les formes de la nature. Ils observent, reproduisent, isolent, décortiquent, recréent.
Cette fascination pour la nature trouvera une résonance particulière chez Perriand lorsque en 1940, invitée par le gouvernement japonais, elle devient conseillère de la production de l’art industriel auprès du ministère impérial du Commerce et de l’Industrie. Elle découvre et adopte le bambou. Elle parcourt le pays, multiplie les conférences, travaille avec des artisans locaux, adapte ses meubles en tirant parti des propriétés des matériaux autochtones. Elle rencontre son second mari, directeur des affaires économiques de la France en Indochine, et lorsqu’en 1942, la guerre éclate entre le Japon et la France, elle part pour l’Indochine.
Elle revient en France en 1946 et participe alors à la reconstruction du pays en retrouvant Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Elle s’implique essentiellement dans des projets en lien avec l’éducation, la santé et le logement. Pour chacun de ses chantiers, un mot d’ordre, rendre la vie facile et légère. Elle contribue aux réflexions sur l’architecture moderne, et participe aux recherches de Le Corbusier sur le «logement minimum».
Elle retourne au Japon de 1953 à 1955, elle y organise une exposition, « Proposition d’une synthèse des arts ». Il y est question de montrer les créations les plus emblématiques de la scène contemporaine occidentale, d’insister sur les liens entre la production industrielle et la réalisation artistique, et de proclamer encore et toujours l’harmonie entre architecture, design et art plastique.
En 1956, l’ingénieur Steph Simon inaugure sa galerie à Saint Germain, à Paris. Il devient l’éditeur des meubles de Charlotte Perriand, ainsi que de ceux de Jean Prouvé. La visibilité de ses œuvres au centre de Paris, permettra à des étudiants de se familiariser avec ses principes et participera à faire d’elle une référence pour toute une génération.
En 1961, son mari étant nommé directeur d’Air France pour la région Amérique Latine, Charlotte Perriand voyage régulièrement au Brésil. Elle s’intéresse alors aux bois précieux comme l’acajou et une nouvelle fois s‘amuse avec les matériaux. Elle aménage de nombreuses agences de la société Air France en Europe, au Japon ou au Brésil. Elle travaille également à la rénovation du palais des Nations à Genève, siège de l’ONU en Europe, pour en faire un lieu moderne au service des milliers de diplomates qui y travaillent.
Le dernier niveau de la Fondation revient sur la contribution de Charlotte Perriand au monde des musées. L’aménagement du musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1965, la conception de l’appartement du collectionneur Maurice Jardot en 1978 et le nouvel accrochage de la galerie Louise Leiris en 1989 sont autant de réflexions sur la mise en espace créant les conditions optimales de dialogue entre le visiteur et les œuvres.
Enfin, nous nous intéressons aux projets de Charlotte Perriand, en lien avec la nature et le plein air. D’origine savoyarde et sportive, elle appréciait les randonnées, l’alpinisme et le ski. Les congés payés et le développement du tourisme lui donnent l’occasion de réfléchir à un habitat de loisir préfabriqué. Ses projets doivent répondre à des impératifs : production en série, économie des gestes, des moyens et de l’espace, modularité et standardisation. En 1938, elle imagine le refuge Tonneau, le plus abouti de ces modules, un abri de haute montagne, qui peut être monté par six hommes en trois jours et accueillir trente huit personnes. Une version réduite est proposée pour la première fois dans l’exposition.
A partir des années 1960, elle contribue à la réflexion sur l’urbanisme et les habitats de tourisme en montagne. De 1967 à 1989, elle dirige un bureau d’études d’architecture pour la construction de la station de sports d’hiver des Arcs en Savoie. Elle imagine également l’architecture intérieure et les équipements de la plupart des bâtiments de la station.
En 1993, elle a été sollicitée par l’UNESCO dans le cadre du festival culturel du Japon à Paris et conçoit une Maison du thé éphémère, lieu de méditation et de sublimation de la nature qui est reproduite fidèlement au cœur d’une forêt de bambous pour cette exposition. Concernée par l’empreinte au sol, Charlotte Perriand conçoit des structures sans fondations pour limiter l’impact écologique de ces réalisations.
L’exposition s’achève par la Maison au bord de l’eau, imaginée pour le concours « Maisons de week-end bon marché destinées à un public populaire » organisé en 1934 par la revue Architecture d’aujourd’hui, elle est réalisée pour la première fois et joliment installée près de la fontaine du bâtiment de Gehry. Conçue pour être produite en série et livrée en kit, cette maison préfabriquée montable et démontable sur pilotis, avec meubles en rondins et toit percé pour recueillir l’eau, était pensé pour des familles ouvrières.
A l’instar de la production de Charlotte Perriand, l’exposition est foisonnante et alors que les salles se suivent, les sujets d’admiration s’enchaînent. Si le parcours est intelligemment construit, on se perd toutefois un peu dans le propos en cheminant à travers les salles de la fondation.
L’exposition est conçue comme une promenade à travers la vie de Charlotte Perriand et au milieu des intérieurs reconstitués. On découvre les pièces iconiques comme la bibliothèque nuage, la chaise longue basculante ou les fauteuils pivotants. D’ailleurs les commissaires ont fait le choix fort de ne pas montrer que des pièces originales, en proposant également des rééditions de meubles, ils peuvent inviter les visiteurs à s’assoir sur les fauteuils, à vivre complètement l’expérience Perriand et ouvre une réflexion sur ce qu’est le design.
On réalise toute la modernité et l’audace de Charlotte Perriand, elle qui avait imaginé un meuble en kit ou proposé des cuisines avec passe-plats, permettant aux femmes de participer à la vie familiale sans être isolée dans la cuisine. Chez elle, les meubles s’animent, basculent, pivotent et coulissent selon les besoins. L’espace est rationalisé, modulable et la circulation est fluide. Cette exposition nous rappelle que la modernité n’est pas forcément basée sur une appréhension froide de l’espace, mais qu’au contraire elle s’attache à la prise en compte de l’individu et de son bien être. On est séduits par les convictions profondément humanistes de Charlotte Perriand, elle qui place l’homme au centre de tout : avant de s’interroger sur le bâtiment, elle veut savoir comment il sera possible d’y vivre.
Elle révolutionne l’art d’habiter. Elle est persuadée que l’art transforme le quotidien et son incroyable optimisme transparaît dans cette exposition.
« Le monde nouveau de Charlotte Perriand », à la Fondation Louis Vuitton jusqu’au 24 février.
Liste des oeuvres:
1) Reconstitution de la Maison du thé.
2) Vue de l’exposition avec la chaise longue basculante B 306, Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Charlotte Perriand, 1928, Vitra Design Museum et le fauteuil pivotant, Charlotte Perriand, 1927, Galerie Ulrich Fieldler Berlin devant le Transport des forces, Fernand Léger, 1937, CNAP.
3) Femme sur fond rouge, femme assise, Fernand Léger, 1926, collection privée.
4) La Mer, Le Corbusier, 1964, The Minoru Mori Collection.
5) Dora Maar sur la plage, Pablo Picasso, 1936, collection privée.
6) Vue de l’exposition: reconstitution d’un Appartement moderne pour le Salon d’automne à Paris, 1929.
7) Panneau la France industrielle, Charlotte Perriand et Fernand Léger, exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne, 1937, photo collage d’après les archives de Charlotte Perriand.
8) Photographies de Charlotte Perriand, 1933, archives de Charlotte Perriand.
9) Chaise longue basculante en bambou, Charlotte Perriand, 1940, musée des arts décoratifs devant une tapisserie d’un dessin d’enfant.
10) Chambre d’étudiant, Cité Universitaire internationale de Paris, Maison du Mexique, Charlotte Perriand, 1952.
11) Chambre d’étudiant, Cité Universitaire internationale de Paris, Maison de la Tunisie, Charlotte Perriand, 1952.
12) Bibliothèques de la Maison de la Tunisie, maquettes, Charlotte Perriand, 1952.
13) Reconstitution exposition Proposition d’une synthèse des arts.
14) Peinture 92×65 m, 10 février 1955, Pierre Soulages, musée Soulages, Rodez.
15) Table de forme libre, Charlotte Perriand, 1956, CNAP et Luminaires, Isamu Noguchi, 1958, édition contemporaine.
16) Appliques à volet orientable, Charlotte Perriand, 1962 et Bahut bloc, Charlotte Perriand, 1960.
17) Appartement Jacques Martin, Rio, 1963.
18) Bahut pour Maurice Jardot, Charlotte Perriand, 1977, musée des Arts décoratifs Paris avec Paysage romantique, Fernand Léger, 1946, et oeuvres de Henri Laurens, musée d’art moderne de Belfort.
19) Refuge tonneau, Charlotte Perriand, 1938.
20) Reconstitution de la Maison du thé.
21) Reconstitution de la Maison au bord de l’eau.
22) Table éventail, Charlotte Perriand, 1972, collection privée.
23) Prototype du Fauteuil grand confort, Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Charlotte
Perriand, 1928, Centre Pompidou.
24) Charlotte Perriand avec les mains de Le Corbusier tenant une assiette en guide d’auréole à l’atelier de Saint-Sulpice, Pierre Jeanneret, 1927, archives Charlotte Perriand.
25) Charlotte Perriand portant une création signée Issey Miyake, Lord Snowdon.
Article rédigé par Amélie Hautemaniere – Photos de l’auteur
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