Des fleurs en métal expriment la relation entre humanité et nature
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Piet Mondrian est essentiellement connu pour son apport à l’abstraction naissante et notamment ses toiles aux lignes noires et carrés rouges, bleus ou jaunes. Cependant l’artiste approchait déjà la cinquantaine lorsqu’il a axé son art et ses recherches sur ces œuvres emblématiques. Le musée Marmottan Monet propose de revenir sur la production des années précédentes, son oeuvre figurative, témoin des questionnements qui le mènent à l’abstraction et qui l’habiteront toute sa vie.
Une sélection de soixante-cinq peintures est rassemblée. Elles sont toutes issues de la collection Salomon B. Slijper, le mécène et collectionneur privilégié de Mondrian, qui a légué ses oeuvres au Gemeentemuseum de La Haye, connu désormais sous le nom de Kunstmuseum Den Haag. D’ailleurs cette exposition est également l’histoire de la relation entre ces deux hommes, de l’amitié entre l’artiste et son mécène.
En effet en 1915, Slijper passe des vacances dans une maison d’hôtes à Laren dans la campagne d’Amsterdam. La propriétaire est une chanteuse et comédienne, qui accueille des amis artistes durant les mois d’hiver lorsque les hôtes payants se font rares.
Lorsqu’en 1914 l’éclatement de la Première Guerre Mondiale a empêché Mondrian de rejoindre Paris, où il s’est établi quelques années auparavant, il a logé à Laren et a remercié son hôtesse en lui offrant des tableaux. Composition n°IV orne ainsi les murs de la salle à manger. C’est par ce biais que Slijper découvre Mondrian lors de son séjour. Ils se rencontrent ensuite, et se découvrent des goûts en commun : la musique, la danse, la bonne chère, les jolies femmes,… Ils se lient d’amitié et sortent régulièrement ensemble pour danser ou jouer au billard. Cependant la relation amicale des deux hommes est indissociable du rôle de mécène que Slijper joue pour Mondrian. Il acquiert Composition n°IV auprès de leur logeuse, puis achète et commande des œuvres directement à l’artiste.
Entre 1916 et 1920, il réunit la majorité de sa collection, soit 180 toiles et dessins. Il s’engage notamment à acheter l’ensemble des œuvres restées dans l’atelier parisien de Mondrian, sans les avoir vues. La somme permet à Mondrian, qui subsistait en réalisant des copies d’œuvres du Rijksmuseum, de retourner en France dès 1919 où il poursuit sa réflexion sur l’abstraction.
Curieusement Slijper n’est pas séduit par les toiles abstraites de son ami. Il acquiert quelques oeuvres à damiers, mais c’est uniquement pour le dépanner financièrement.
Loin de la révolution picturale qui se joue sous ses yeux, il préfère les œuvres de jeunesse de Mondrian, plus en prise avec la tradition hollandaise. Lorsqu’en 1930, Slijper lui commande une toile figurative, Mondrian refuse étant trop pris par ses recherches et l’élaboration de son vocabulaire plastique abstrait. Cela marque la fin de leur relation privilégiée. Slijper continue cependant de défendre l’œuvre de Mondrian. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il se réfugie dans une ferme à la campagne et stocke sa collection à la cave. Les tableaux de Mondrian ayant été inscrits sur la liste de l’art dégénéré par les Nazis, il leur épargne ainsi la destruction. En 1946, il organise une rétrospective au musée municipal d’Amsterdam, participant à la diffusion et à la reconnaissance de Mondrian dans son pays, bien avant le legs de sa collection au Kunstmuseum Den Haag, qui possède ainsi le plus important ensemble d’œuvres de Mondrian.
L’exposition commence par la fameuse Composition n°IV, première œuvre vue et acquise par Salomon Slijper. En pendant, une des premières toiles de Mondrian représentant un lièvre mort nous permet d’admirer la technique du jeune peintre mais souligne également les liens avec la tradition hollandaise de la nature morte.
Le parcours est ensuite chronologique et en parallèle du développement de la relation entre Mondrian et Slijper, on suit les réflexions du peintre. La première période rassemble des paysages de petits formats, marqués par l’influence de l’école de La Haye, groupe à la démarche similaire à celle de l’école de Barbizon. Slijper appréciait particulièrement ces paysages aux motifs néerlandais traditionnels, comme les moulins ou les fermes. De son côté, Mondrian dépasse le motif et cherche à reproduire l’expérience spirituelle de la nature, plus qu’un moment précis.
Poussé par cette volonté de représenter l’essence des choses, qui sera son leitmotiv, il privilégie petit à petit les couleurs pures et vives, posées en aplat, à la façon des Fauves.
Il cherche à représenter la vérité. Il est en cela influencé d’abord par son éducation calviniste, puis par la théosophie, courant ésotérique qui prône l’union de l’homme et de l’univers et incite à appréhender la vérité inhérente à toute chose.
Ses recherches et sa sensibilité le poussent vers le symbolisme puis le luminisme qui joue sur les contrastes des couleurs primaires. Il laisse la couleur éclater sur la toile, irradier et rayonner, seul moyen selon lui de rendre la beauté.
Vers 1910, Mondrian découvre le cubisme, d’abord grâce à des reproductions d’œuvres de Picasso et de Braque avant de les admirer à Amsterdam, puis à Paris. Sous le choc de ce qu’il voit, il simplifie les formes, accentue la géométrie de ses compositions et insiste sur la monumentalité. La verticalité, toujours présente dans son œuvre s’impose comme fondamentale.
Il renonce même un temps aux couleurs éclatantes, sous l’influence de la palette sourde caractéristique du cubisme. Mais il ne bascule pas encore complètement dans l’abstraction. Si sur certaines toiles, il réduit le motif à l’essentiel, privilégiant les lignes, et une palette réduite, sur d’autres toiles, il recherche toujours un rendu naturaliste, notamment à la demande de Slijper qu’il vient alors de rencontrer.
C’est en 1919, que Mondrian peint ses premières toiles purement abstraites, sans ancrage dans le réel. Il est arrivé à la définition de son vocabulaire pictural, le néoplasticisme qui est selon lui le moyen de révéler la beauté absolue.
Pourtant rien n’est aussi simple. Mondrian ne renonce pas complètement à la figuration. Pour des raisons financières, mais pas seulement, il continue de peindre des motifs, et notamment des fleurs, une chaque matin, dans la tradition hollandaise.
Si elle lui semble impropre à rendre l’universel dans le sensible, il ne récuse jamais complètement la figuration. Il rejette seulement l’imitation fidèle de la nature. Ainsi il n’est pas question d’un passage irrémédiable de la figuration à l’abstraction ; il n’y a pas de rupture dans son travail.
L’exposition est relativement courte, vu les espaces du musée Marmottan-Monet, mais elle est réellement passionnante. Le parcours nous permet de suivre le cheminement intellectuel et spirituel de Mondrian aussi bien que vingt-cinq années de recherches esthétiques, plastiques et picturales. On découvre ses influences, ses tâtonnements, ses obsessions. On est sous le charme de la relation privilégiée qui se noue entre Mondrian et Slijper et qui est si bien racontée.
La scénographie est soignée, et fait le pari de couleurs vives aux murs qui répondent aux tons des toiles de Mondrian : jaune, rouge, bleu, les couleurs primaires scandées à l’infini, en contraste et en harmonie. Beaucoup des œuvres présentées voyagent pour la dernière fois en raison de leur fragilité.
Mondrian Figuratif, au musée Marmottan Monet jusqu’au 26 janvier 2020.
Liste des œuvres :
1) Bois près d’Oele, 1908
2) Autoportrait, 1918
3) Ferme près de Duivendrecht, 1916
4) Lièvre mort, 1891
5) Composition n°IV, 1914
6) Grand paysage, 1907-1908
7) Dune III, 1909
8) Phare à Westkapelle, 1908
9) Dévotion, 1908
10) Arum, fleur bleue, 1908-1909
11) Moulin, 1911
12) Clocher en Zélande, 1911
13) Composition: Arbres 2, 1912-1913
14) L’arbre gris, 1911
15) Moulin à vent le soir, 1917
16) Composition ovale en plans de couleurs 2, 1914
17) Composition avec grille 8: composition en damier aux couleurs foncées, 1919
18) Rose dans un verre, après 1921
19) Deux arums, 1918
20) Chrysanthème dans une bouteille, 1917
21) Composition avec grand plan rouge, jaune, noir, gris et bleu, 1921
Article rédigé par Amélie Hautemaniere – Photos de l’auteur
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